Le Pakistan a lancé mercredi son premier recensement en près de deux décennies, un exercice titanesque aux profondes répercussions politiques mené sous très haute sécurité par des dizaines de milliers de recenseurs civils et militaires.

« C'est un processus mouvementé, mais nous sommes prêts », a indiqué à l'AFP Nadeem Ehsan, un instituteur arborant un gilet marqué « recensement 2017 » pour collecter les informations dans son quartier de Peshawar (ouest), accompagné de trois militaires et quatre policiers.

« Nous étions inquiets pour la sécurité, mais le gouvernement nous a rassurés », a-t-il ajouté, marquant à la craie les portes des maisons déjà recensées.

Plus de 300 000 personnes sont impliquées dans l'exercice, dont 84 000 recenseurs civils, pour l'essentiel des instituteurs et fonctionnaires locaux, et 44 000 recenseurs militaires qui rempliront leurs propres fiches.

Il s'agit d'un pari colossal pour un pays à la bureaucratie mal armée pour de tels défis logistiques. D'autant que les préparatifs n'ont été lancés qu'il y a trois mois sous la pression de la Cour suprême après des années de querelles politiciennes.

L'enregistrement officiel des changements démographiques majeurs intervenus au cours des deux dernières décennies pourrait avoir de lourdes répercussions sur les circonscriptions électorales, la répartition des sièges à l'Assemblée nationale ou encore la distribution des fonds fédéraux. Un enjeu majeur à un an des législatives.

En 1998, le Pakistan comptait officiellement 134,7 millions d'habitants. Considéré par l'ONU comme le sixième pays le plus peuplé du monde, sa population est désormais estimée à environ 200 millions d'habitants.

Poids des minorités

La puissante province du Pendjab (centre) pourrait voir son hégémonie bousculée, car sa population croît plus lentement qu'ailleurs. Les Baloutches craignent quant à eux de devenir une minorité dans leur propre province du Baloutchistan, en raison d'un afflux de populations pachtounes, dont de nombreux réfugiés afghans.

L'exercice va aussi permettre de mesurer les minorités marginalisées comme les hindous et chrétiens.

Le premier jour s'est déroulé sans incident majeur, mais une certaine confusion semblait régner notamment sur la façon dont les transsexuels, recensés à part pour la première fois, seraient comptés.

Le formulaire du Bureau des Statistiques du Pakistan (PBS) mentionne deux options, 1 pour homme ou 2 pour femme.

« S'il n'y a pas de mention du troisième sexe, cela serait très mauvais pour nous, car notre communauté serait oubliée, » s'est inquiétée mercredi Farzana Riaz, présidente de l'ONG TransAction à Peshawar, qui défend cette communauté historiquement reconnue, mais maltraitée.

Le porte-parole du PBS a néanmoins assuré que les recenseurs avaient reçu la consigne de recenser les personnes transsexuelles avec le code 3, bien que celui-ci ne soit pas explicitement mentionné sur la fiche.

Mais il a reconnu que les efforts pour informer le public du contenu exact du recensement n'avaient pas été « très étendus ».

Outre les 120 000 personnels civils déployés au total par le PBS, la puissante armée pakistanaise a indiqué avoir mobilisé 200 000 hommes pour l'opération qui doit durer jusqu'à fin mai.

Pour le gouvernement, les militaires sont là afin d'assurer la sécurité et se comporteront en « observateurs neutres » pour s'assurer que les recenseurs civils, soumis à des pressions, ne gonflent pas les chiffres.

Mais l'ONU s'est inquiétée de la collecte parallèle d'informations par l'armée, qui empiète sur le principe de confidentialité nécessaire pour qu'un recensement ne devienne pas un fichage massif de population.

Le PBS a annoncé qu'il publierait des résultats préliminaires fin juillet.