Pékin dépêche lundi son plus haut émissaire aux États-Unis, un voyage qui illustre le soudain rapprochement sino-américain, après les attaques lancées par Donald Trump contre la Chine avant son arrivée à la Maison-Blanche.

L'agence Chine nouvelle a annoncé tard dimanche que le conseiller d'État Yang Jiechi, véritable chef de la diplomatie chinoise au-dessus même du ministre des Affaires étrangères Wang Yi, se rendrait aux États-Unis lundi et mardi, le premier déplacement à ce niveau d'un responsable chinois depuis la prise de fonction de Donald Trump le 20 janvier.

Cette annonce survient alors que les deux premières puissances économiques mondiales se sont rapidement rapprochées ces dernières semaines, après une glaciation provoquée par les propos de Donald Trump sur la concurrence économique chinoise et sur les liens avec Taïwan.

À preuve, l'agence de presse officielle a estimé que l'organisation d'une rencontre entre M. Trump et son homologue chinois Xi Jinping figurerait tout en haut du menu des entretiens de M. Yang à Washington.

Les deux pays «sont en contact étroit» sur la possibilité d'un sommet entre les deux chefs d'État, a confirmé le ministère chinois des Affaires étrangères lundi lors d'un point de presse, sans fournir plus de précisions.

Aucun détail concret n'a en revanche filtré sur la visite de M. Yang. Le diplomate, ancien ambassadeur à Washington et ex-ministre des Affaires étrangères, s'entretiendra avec de hauts responsables américains «des questions bilatérales et des questions d'intérêt commun», s'est borné à indiquer le ministère. Le nom de ses interlocuteurs n'a pas été dévoilé, on ne sait donc pas s'il sera reçu ou non par Donald Trump.

«Plus prudent»

Durant sa campagne, le bouillant milliardaire avait durement critiqué la concurrence économique de la Chine, accusée de «voler» des millions d'emplois aux États-Unis.

Après son élection, Donald Trump avait en outre provoqué la stupeur de Pékin en menaçant de rétablir des contacts officiels avec des dirigeants de l'île de Taïwan, que la Chine considère comme l'une de ses provinces. Il avait même pris début décembre un appel téléphonique de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, un geste qu'aucun président américain n'avait osé faire depuis l'établissement des relations diplomatiques avec Pékin en 1979.

Donald Trump s'est finalement engagé à respecter le principe de la «Chine unique», selon lequel Taïwan fait partie de la Chine, lors d'un entretien téléphonique courant février avec Xi Jinping.

«Trump est quelqu'un de très intelligent: il sait que les relations sino-américaines sont dans l'intérêt des États-Unis», analyse Tao Wenzhao, chercheur à l'Institut d'études américaines à Pékin. S'il s'en est pris aux Chinois pendant sa campagne, le magnat de l'immobilier «s'est révélé beaucoup plus prudent après son arrivée au pouvoir, plus prudent que dans les relations avec le Japon, l'Europe et surtout le Mexique. C'est le poids des relations entre grandes puissances», observe le chercheur.

Les mânes de Nixon

L'entretien Trump-Xi a permis de dégeler la relation bilatérale et d'organiser une première rencontre en Allemagne entre les chefs de la diplomatie des deux pays.

Le nouveau secrétaire d'État Rex Tillerson a demandé à cette occasion à Wang Yi de faire pression sur la Corée du Nord pour convaincre ce pays de stopper son programme nucléaire. Pékin a depuis cessé ses importations de charbon de Corée du Nord, une source vitale de devises pour le régime stalinien, qui a réagi avec une fureur inédite à l'endroit de l'allié chinois.

Outre la Corée du Nord, les sources de tension ne manquent pas entre les deux puissances, entre les prétentions de Pékin en mer de Chine méridionale ou les velléités de Donald Trump de taxer les importations chinoises.

Mais Pékin semble décidé à remettre la relation avec Washington dans une perspective de long terme: comme l'a noté Chine nouvelle, la visite de M. Yang coïncide avec le 45e anniversaire du voyage historique du président américain Richard Nixon en Chine. Cette visite avait scellé le rapprochement entre les deux puissances, alliées à l'époque contre l'ennemi soviétique commun.