Le Parlement chinois a adopté lundi une loi controversée sur la cybersécurité, resserrant le contrôle de la liberté d'expression sur l'internet et imposant aux entreprises, y compris étrangères, de coopérer pour « protéger la sécurité nationale ».

Le Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir bloque l'accès depuis la Chine à de nombreux sites internet étrangers (dont Google, Facebook, Twitter, YouTube, Instagram ou Dailymotion) grâce à un système très perfectionné de blocage, surnommé la « Grande muraille électronique ».

Des articles, blogues, forums internet ou commentaires sur les réseaux sociaux chinois peuvent également être effacés ou censurés.

La loi adoptée lundi par le comité permanent de l'Assemblée nationale populaire (ANP, Parlement chinois) donne un cadre légal à cette surveillance. Elle est centrée sur la protection des réseaux nationaux et des données personnelles des 710 millions d'internautes chinois.

Mais le texte interdit également aux utilisateurs d'internet la publication de contenus portant atteinte à « l'honneur national », « troublant l'ordre économique ou social » ou destinés à « renverser le système socialiste », c'est-à-dire le PCC.

La loi, qui entrera en vigueur le 1er juin 2017, exige par ailleurs des entreprises de l'internet opérant en Chine, y compris les firmes étrangères, qu'elles vérifient l'identité de leurs utilisateurs, lesquels ne pourront plus rester anonymes sur la toile.

Les entreprises devront également fournir « un soutien technique et une aide » aux autorités lors d'enquêtes pour des crimes et délits.

« Beaucoup d'incertitudes »

« Cette loi dangereuse somme les entreprises de l'internet d'être de facto des agents de l'État, en leur demandant de censurer et de fournir des données personnelles aux autorités », a estimé Patrick Poon, chercheur à l'organisation Amnistie internationale.

Des acteurs du monde économique et des ONG ont dénoncé les formulations jugées vagues du texte. Des compagnies étrangères s'inquiètent notamment de devoir coopérer avec les autorités pour « protéger la sécurité nationale ».

La Chambre de commerce de l'Union européenne en Chine s'est dite « préoccupée » par la nouvelle loi, qui entraîne « beaucoup d'incertitudes et de réactions négatives dans les milieux d'affaires » et pourrait « entraver les investissements et les entreprises étrangères opérant en ou avec la Chine ».

Zhao Zeliang, le directeur du Bureau de coordination sur la cybersécurité à l'Administration chinoise du cyberespace, a assuré que les nouvelles réglementations ne visaient pas à limiter l'entrée en Chine de technologies et de produits étrangers.

« Certains amis étrangers jugent (la nouvelle loi) synonyme de barrière commerciale. C'est une interprétation erronée, un préjugé », a-t-il estimé.

« En danger »

La Chine bloque ou censure depuis longtemps les contenus sur l'internet. Mais les restrictions ont été renforcées depuis 2013, dans le cadre d'une vaste campagne visant ceux qui « propagent des rumeurs en ligne ». Des centaines de journalistes ou blogueurs ont été emprisonnés ou intimidés dans ce cadre.

Depuis des mesures adoptées en septembre 2013 et visant à museler les réseaux sociaux, les internautes chinois risquent jusqu'à trois ans de prison pour des messages jugés diffamatoires publiés plus de 500 fois ou consultés plus de 5000 fois.

Des commentaires publiés sur les réseaux sociaux ont été utilisés à plusieurs reprises durant des procès de militants. L'avocat des droits de l'homme Pu Zhiqiang avait notamment été jugé pour des messages dans lesquels il fustigeait les autorités communistes.

« Si l'expression et la confidentialité sur l'internet sont les baromètres de l'attitude de Pékin face à ceux qui la critiquent, alors tout le monde - y compris les internautes en Chine et les principales entreprises étrangères - est aujourd'hui en danger », a estimé Sophie Richardson, directrice Chine de l'ONG Human Rights Watch (HRW).