L'Inde a conduit jeudi des frappes le long de la frontière de facto avec le Pakistan au Cachemire, revendiqué par les deux puissances nucléaires, Islamabad dénonçant « une agression » qui a coûté la vie à au moins deux de ses soldats.

Cette opération militaire intervient une dizaine de jours après l'attaque d'une base indienne au Cachemire où 18 soldats avaient trouvé la mort, la plus meurtrière dans la région depuis plus d'une décennie.

« L'armée indienne a mené des frappes chirurgicales la nuit dernière » contre des « repaires de terroristes », a déclaré le lieutenant-général Ranbir Singh, directeur général des opérations militaires, lors d'une conférence de presse à New Delhi.

Une description aussitôt qualifiée de « falsifiée et fabriquée de toutes pièces » par le Pakistan.

L'Inde n'a pas précisé la nature de ses raids, qui ont fait d'après elle « un nombre significatif de victimes ».

Des groupes rebelles basés au Pakistan avaient l'intention de pénétrer clandestinement en Inde en traversant la ligne de contrôle entre les deux frères ennemis, et ce dans le but d'y perpétrer des attaques dans la région du Cachemire et des métropoles indiennes, a affirmé l'armée indienne.

Selon un responsable gouvernemental indien joint par l'AFP, des commandos héliportés ont frappé sept cibles en territoire contrôlé par le Pakistan.

« Les opérations ont commencé peu après minuit et se sont terminées au petit matin. Elles ont été menées dans une bande de deux-trois kilomètres au-delà de la ligne de contrôle », a-t-il déclaré sous couvert d'anonymat.

Version contestée

Mais Islamabad a minimisé l'ampleur des opérations militaires indiennes, en offrant une version bien différente.

Les autorités ont réfuté la notion de « frappes chirurgicales », une « illusion » destinée à « nourrir les médias » selon elles.

Le Pakistan a plutôt dénoncé des « tirs transfrontaliers déclenchés par l'Inde » de manière « spontanée » au-dessus de la ligne de contrôle.

Son armée a fait état d'échanges de feu entre 2 h 30 et 8 h du matin, qui ont coûté la vie à deux de ses soldats et ont blessé neuf autres. Le premier ministre Nawar Sharif a condamné une « agression évidente » de l'Inde.

Des résidants du côté pakistanais vivant à proximité de la ligne de contrôle ont été tirés du lit au milieu de la nuit par le bruit d'armes à feu.

« Je réfléchis à emmener ma famille vers un endroit plus sûr, car notre zone a été touchée par des tirs indiens par le passé », a déclaré Arshad Najam, enseignant dans la ville de Chakothi, joint par téléphone par l'AFP.

Offensive diplomatique

Le premier ministre indien, le nationaliste hindou Narendra Modi, avait promis de « punir » les auteurs de l'attaque le 18 septembre dernier de la base militaire indienne d'Uri.

Pour New Delhi, cet assaut - qui n'a pas été revendiqué - est le fait du groupe djihadiste Jaish-e-Mohammed, basé au Pakistan voisin.

L'Inde accuse son frère ennemi de soutenir en sous-main les infiltrations et la rébellion armée dans la partie du Cachemire contrôlée par New Delhi. Affirmations qu'Islamabad a toujours démenties.

Le nationalisme indien était galvanisé par l'annonce des frappes indienne au Cachemire. Le mot-clic ModiPunishesPak (« Modi punit le Pakistan ») était parmi les plus utilisés sur Twitter.

Mais les incertitudes liées à la situation inquiétaient au contraire les marchés. Dans les échanges de l'après-midi, la Bourse de Bombay cédait près de 2 %.

Pour Ashok K Mehta, major-général retraité de l'armée indienne, la suite des événements dépendra de la réponse des généraux pakistanais.

« La balle est dans le camp du Pakistan s'ils veulent aller à l'escalade », a-t-il estimé.

Depuis une dizaine de jours, New Delhi est aussi à l'offensive sur le plan diplomatique pour tenter d'isoler Islamabad sur la scène internationale.

L'Inde s'est ainsi retirée d'un sommet régional qui doit se tenir le mois prochain dans la capitale pakistanaise, entraînant à sa suite le Bangladesh, l'Afghanistan et le Bhoutan.

L'Inde et le Pakistan revendiquent tous deux la région himalayenne du Cachemire depuis la partition de 1947. Des dizaines de milliers de personnes, en grande majorité des civils, ont perdu la vie dans ce conflit.