L'opposition thaïlandaise a mis lundi la pression sur les dirigeants de la junte thaïlandaise pour obtenir des explications concernant l'achat de détecteurs d'explosifs inefficaces, pour des millions d'euros, ayant conduit des dizaines d'innocents en prison.

L'affaire ne date pas d'hier, mais a rebondi à la suite d'une récente décision judiciaire en Grande-Bretagne, ouvrant la voie à des compensations pour les pays lésés.

Vendus par des Britanniques, en prison depuis 2013, ces appareils censés pouvoir détecter des explosifs ou de la drogue ont été largement utilisés par l'armée à partir de 2005 dans le sud de la Thaïlande, en proie à une insurrection musulmane.

Ces détecteurs étaient en fait une simple boîte en plastique avec une antenne radio censée désigner des suspects lors de contrôles inopinés. Fabriqués pour quelques dollars, ils étaient vendus entre 3000 et 12 000 euros pièce aux gouvernements thaïlandais, mexicain et irakien notamment.

Les groupes de défense des droits de l'Homme affirment que des centaines de personnes ont été arrêtées, et certains détenues pendant plusieurs semaines, après des conclusions erronées dues à l'utilisation de ces boîtiers.

Lundi, un petit groupe d'opposants politiques a demandé officiellement au gouvernement britannique de «révéler les preuves, les noms des intermédiaires ainsi que les montants» de ce contrat, a expliqué Jatuporn Prompan, meneur des Chemises rouges. Ce puissant mouvement populaire est un soutien de poids de la famille de Yingluck Shinawatra, dont le gouvernement a été renversé en mai 2014 par un coup d'État militaire.

«La procédure est légale, mais l'achat était une tromperie», a ajouté Jatuporn.

Aucun chiffre officiel n'a jamais été donné sur le montant total du contrat. D'après les organisations de défense des droits de l'Homme, le gouvernement thaïlandais aurait acheté près de 1400 détecteurs pour environ 1,130 milliards de bahts (28 millions d'euros).

Il y a quelques jours le chef de la junte Prayut Chan-o-Cha, a repoussé toute ouverture d'une nouvelle enquête concernant l'achat. «Ils ont été utiles, mais quand il a été prouvé qu'ils étaient inefficaces ils n'ont plus été utilisés», a-t-il affirmé aux journalistes.

Malgré les décisions de justice, «les dirigeants militaires thaïlandais continuent de défendre leur utilisation», a dénoncé Sunai Phasuk de Human Rights Watch, regrettant que «les perspectives de justice pour les victimes de GT200 semblent faibles».

Le sud de la Thaïlande à majorité musulmane est en proie depuis plus de dix ans à un conflit séparatiste qui a fait plus de 6500 morts, principalement des civils.