Les autorités philippines ont confirmé mardi la décapitation d'un second otage canadien par les islamistes extrémistes d'Abou Sayyaf en même temps qu'elles tentaient de justifier leur incapacité à lui porter secours malgré des mois de traque.

Abou Sayyaf, petit groupe de combattants islamistes basés sur les îles reculées et montagneuses du sud des Philippines, qui s'est spécialisé dans les enlèvements crapuleux, a exécuté Robert Hall lorsque sa demande de rançon de 300 millions de pesos (5,8 millions d'euros) n'a pas été suivie d'effets.

« Nous condamnons avec fermeté l'assassinat brutal et absurde de M. Robert Hall, un ressortissant canadien, détenu ces neuf derniers mois par le groupe Abou Sayyaf sur Sulu », a déclaré le porte-parole de la présidence Herminio Coloma.

Dans un communiqué, l'armée a déclaré qu'une tête avait été retrouvée lundi soir près de la cathédrale de Jolo, la principale île de l'archipel de Sulu, l'une des places fortes d'Abou Sayyaf.

En annonçant quelques heures auparavant qu'il craignait que Robert Hall n'ait été exécuté, le premier ministre canadien Justin Trudeau a dit son indignation et rappelé que son pays ne versait pas de rançon « à des groupes terroristes ».

La victime, qui était retraitée, avait été enlevée avec trois autres personnes le 21 septembre sur l'île de Samal, près de Davao, la grande ville de l'île méridionale de Mindanao.

Un autre otage canadien enlevé en même temps que lui, John Ridsdel, avait été exécuté en avril lorsqu'une rançon d'un même montant n'avait pas été payée.

On ignorait dans l'immédiat le sort des deux autres personnes enlevées à Samal, le Norvégien Kjartan Sekkingstad et Marites Flor, compagne philippine de Robert Hall. Mais le groupe exige également des rançons pour les libérer.

Depuis les années 1970, les rebelles musulmans mènent une campagne séparatiste dans le sud de ce pays à grande majorité catholique, dans laquelle plus de 100 000 personnes ont péri.

Abou Sayyaf, qui compte quelques centaines de combattants, est une scission de la rébellion musulmane, qui s'est radicalisée et spécialisée peu à peu dans l'enlèvement de Philippins et d'étrangers.

Complicités locales

Considéré comme une organisation terroriste par Washington, il a été fondé au début des années 1990 avec des financements du réseau Al-Qaïda d'Oussama Ben Laden.

Ces dernières années, ses cadres ont prêté allégeance à l'organisation extrémiste sunnite État islamique (EI), mais les analystes considèrent qu'il s'intéresse plus à l'argent qu'aux considérations idéologiques.

Entre 2002 et 2014, Washington avait dépêché aux Philippines des conseillers spéciaux pour former les troupes de l'archipel, ce qui avait débouché sur la mort et l'arrestation de nombreux dirigeants d'Abou Sayyaf.

Mais après le départ des Américains, Abou Sayyaf s'est lancé dans une campagne intensive de kidnappings.

Depuis début 2015, le groupe a enlevé 44 Philippins et ressortissants étrangers, au cours d'au moins 16 opérations distinctes, selon Pacifique Strategies and Assessments (PSA), un cabinet d'évaluation des risques régionaux.

La plupart ont été libérés après paiement de rançons, mais le groupe détiendrait encore au moins huit personnes, dont un ornithologue néerlandais enlevé en 2012.

Après l'exécution du premier otage canadien, le président Benigno Aquino avait promis de « neutraliser » Abou Sayyaf et ordonné de nouvelles offensives, avec le déploiement, selon le cabinet PSA, de plus de 4000 soldats.

Le major Filemon Tan, porte-parole des forces armées pour le sud de l'archipel, a défendu l'action de ses troupes, soulignant les obstacles auxquels elles font face, en particulier le soutien de certains habitants dans ces villages pauvres de Jolo.

« Ils ont de la famille sur place. Ce sont les proches qui les préviennent lorsqu'il y a des soldats dans la zone », a-t-il dit à la radio DZMM.

La configuration du terrain -- des montagnes et des côtes qui permettent de s'échapper facilement en bateau -- nuit aussi aux opérations des forces de sécurité.

L'habitude d'Abou Sayyaf de se scinder en petits groupes ne facilite pas non plus les opérations des forces de sécurité.