La police du Bangladesh a annoncé lundi avoir arrêté quelque 8000 personnes depuis le début vendredi de ses opérations pour endiguer la vague d'assassinats ayant visé des membres de minorités religieuses, des blogueurs laïcs et des intellectuels.

La première ministre Sheikh Hasina a promis samedi d'arrêter « chaque assassin » et de tenter de mettre un coup d'arrêt à cette série meurtrière qui s'est accélérée au cours des dernières semaines.

Le porte-parole de la police Kamrul Ahsan a indiqué que 3245 suspects avaient été arrêtés au cours des 24 dernières heures, portant le nombre d'arrestations à 8192 depuis le début de l'opération vendredi.

Le gouvernement est soumis à une pression croissante de la communauté internationale pour mettre fin à ces violences qui ont fait pratiquement 50 morts en trois ans.

Mais l'opposition accuse la police de profiter de ces arrestations pour faire taire toute voix discordante.

Nombre de personnes interpellées sont des personnes soupçonnées de faits de droit commun visées par des mandats d'arrêt.

« Nous avons arrêté 3245 personnes, dont 34 islamistes, au troisième jour de cette opération », a dit un haut responsable de la police, A.K.M Shahidur Rahman, à l'AFP.

« Seulement une partie des personnes arrêtées sont des membres de groupes islamistes ».

« Une bonne partie des arrestations concerne des personnes visées par un mandat d'arrêt pour des affaires de drogue, d'armes ou d'autres poursuites criminelles ».

Au cours des jours précédents ces arrestations, cinq membres d'un groupe jihadiste interdit ont été tués lors de fusillades avec la police.

Le Jamayetul Mujahideen Bangladesh (JMB) est l'un des deux groupes accusés par les autorités de la plupart des meurtres de membres de minorités religieuses, d'intellectuels et de défenseurs de la laïcité.

Le gouvernement rejette les revendications de ces meurtres émises par l'organisation État islamique (EI) ou par la branche d'Al-Qaïda en Asie du Sud.

Omar Faruq, un responsable présumé d'un autre groupe interdit Hizb ut Tahrir, figure parmi les nouvelles arrestations lundi, selon le chef de la police du district de Chapai Nawabganj (nord).

« Nous avons saisi des tracts antigouvernementaux, un pistolet avec de la poudre qui étaient en sa possession », a dit Bashir Ahmed.

« Faruk avait été arrêté en 2012 puis remis en liberté sous caution. Il a essayé de relancer les activités de son groupe interdit », a-t-il ajouté.

Selon les experts, la vague de répression ayant visé l'opposition, dont le principal parti islamiste Jamaat-e-Islami, a poussé à la radicalisation un bon nombre d'opposants.

Pour Mubashar Hasan, spécialiste de l'islam politique, cette vague d'arrestation pourrait radicaliser encore plus certains sympathisants de l'opposition et les pousser à la violence.

« Il est important de combattre les militants (jihadistes, NDLR) sur le terrain, mais il est aussi crucial de conquérir les esprits et les coeurs des gens pour éviter qu'ils ne rejoignent ces militants », note Hasan, de l'University of Liberal Arts de Dacca, à l'AFP.

Un dirigeant du Bangladesh Nationalist Party (BNP, principal parti d'opposition) a accusé samedi la police d'avoir arrêté « beaucoup d'innocents et de gens sans histoire ».

Le Bangladesh, pays officiellement laïc, compte 90 % de musulmans parmi ses 160 millions d'habitants.