Le groupe djihadiste État islamique (EI) a revendiqué jeudi la responsabilité d'une série d'attentats-suicides qui ont secoué Jakarta, la capitale indonésienne, et dans lesquels au moins sept personnes - dont un Canadien et cinq assaillants - ont été tuées.

Le communiqué en arabe, publié sur l'internet, affirme que plusieurs bombes «ont explosé concomitamment à des attaques par quatre soldats du califat avec des armes légères et des ceintures explosives».

Le communiqué précise que les attaques ont visé un groupe de citoyens de la «coalition croisée», faisant référence à l'alliance anti-EI conduite par les États-Unis.

Ces attentats font craindre que l'EI n'ait fait des émules dans l'archipel d'Asie du Sud-Est.

Le gouvernement indonésien a prévenu Ottawa qu'un ressortissant canadien avait été tué jeudi à Jakarta dans les attentats, a indiqué un porte-parole du ministère canadien des Affaires étrangères.

«Le ministère a été informé par les autorités indonésiennes qu'un citoyen canadien a été tué» au cours des attaques à Jakarta, a indiqué à l'AFP Nicolas Doire, porte-parole du ministère en indiquant que l'ambassade canadienne sur place tentait toujours de confirmer cette information.

Au moins deux kamikazes se sont vraisemblablement fait exploser dans un quartier du centre de la capitale qui abrite les bureaux de plusieurs agences de l'ONU et des ambassades, notamment celle de France, d'où des explosions ont été entendues.

L'identité des assaillants -qui ont notamment pris pour cible un café Starbucks- demeurait inconnue, mais le président Joko Widodo a d'emblée dénoncé des actes «terroristes» et la police a annoncé qu'un groupe lié à l'EI était soupçonné d'avoir perpétré les attaques.

La télévision indonésienne Metro TV mentionne qu'un Canadien fait partie des victimes.

Les autorités avaient annoncé il y a quelques semaines avoir déjoué un attentat-suicide projeté par des extrémistes présumés pour certains liés à l'EI.

«Cinq terroristes sont morts», a annoncé aux journalistes en fin d'après-midi le ministre indonésien de la Sécurité Luhut Panjaitan, ajoutant qu'un Indonésien et un Néerlandais avaient été tués.

L'ambassade des Pays-Bas n'a pas confirmé cette information, indiquant qu'un de ses ressortissants avait été blessé et hospitalisé.

Alors que pendant plusieurs heures, elle avait mis en garde contre le risque de tireurs embusqués, la police a finalement affirmé en fin d'après-midi que tous les assaillants étaient neutralisés. «La situation est sous contrôle», a déclaré Muhammad Iqbal, porte-parole de la police de Jakarta.

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Un homme est vu pointant un pistolet vers la foule , dans le centre de Jakarta, le 14 janvier.

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Un homme tenant un pistolet est vu dans le centre de Jakarta, le 14 janvier.

«Comme un tremblement de terre»

Ce dernier a également affirmé que cinq policiers, un civil étranger et quatre civils indonésiens avaient été blessés.

Le déroulé précis de ces attaques demeurait, à l'instar de son bilan, également incertain.

Selon plusieurs témoins, les premières déflagrations ont retenti peu après 10h30 (22h30 mercredi, heure de Montréal). Certains ont fait état d'au moins six explosions, non loin du Sarinah, un centre commercial.

«J'ai entendu une forte explosion, comme un tremblement de terre», a raconté à l'AFP Ruli Koestaman, un homme de 32 ans qui assistait alors à une réunion. «Nous sommes tous descendus.»

«On a vu que le Starbucks à côté était également détruit. J'ai vu un étranger, un Occidental, avec la main mutilée, mais en vie.»

Dans un communiqué depuis son siège américain de Seattle, le géant du café Starbucks a annoncé la fermeture, «jusqu'à nouvel ordre», de toutes ses enseignes à Jakarta, par mesure de précaution.

«Tout le monde s'est rassemblé et un terroriste est arrivé et a commencé à nous tirer dessus et à tirer sur le Starbucks», a poursuivi le témoin, en précisant que l'homme avait également ouvert le feu sur un journaliste.

Des photographies montrent notamment les corps ensanglantés de deux personnes -vraisemblablement des civils- sur le bord d'une avenue à proximité d'une guérite de la police totalement dévastée.



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Les retours de Syrie

La police a initialement fait état de bombes, avant de se montrer plus prudente.

«Ce n'était pas un attentat-suicide, mais plutôt, selon les témoins, un engin qui a été jeté, une bombe ou une grenade», a déclaré à la chaîne Metro TV un porte-parole de la police nationale Anton Charliyan au sujet de l'explosion ayant touché cette guérite.

La police indonésienne était en alerte maximale pendant les fêtes de fin d'année, après avoir déjoué un attentat-suicide projeté à Jakarta pour le Nouvel An.

En décembre, la police avait arrêté cinq personnes soupçonnées d'appartenir à un réseau proche de l'EI et quatre autres en rapport avec le groupe extrémiste Jemaah Islamiyah, responsable d'attentats de grande ampleur en Indonésie.

Les forces de l'ordre avaient saisi du matériel servant à la fabrication d'explosifs. Les extrémistes islamistes avaient également d'autres cibles dont des stations de police, des centres commerciaux, des groupes chiites minoritaires et des membres de l'unité d'élite de la police antiterroriste.

Selon la police, l'EI avait lancé un avertissement énigmatique avant les attaques de jeudi. «L'avertissement disait qu'il y aurait un concert en Indonésie et que ce serait dans les informations internationales», a déclaré un porte-parole de la police, Anton Charliyan.

L'Indonésie, pays musulman le plus peuplé au monde, avait été précipitée dans sa propre «guerre contre le terrorisme» par les attentats de Bali en 2002 (202 morts). Mais l'archipel n'avait pas connu d'attentats majeurs depuis ceux qui ont fait neuf morts en juillet 2009 dans des hôtels de luxe à Jakarta.

«Nous savons que l'État islamique souhaite proclamer une province dans la région», a déclaré à l'AFP Kumar Ramakrishna, analyste à l'École S. Rajaratnam des études internationales de Singapour.

À en croire le cabinet de consultants Soufan Group spécialisé dans le renseignement, entre 500 et 700 Indonésiens qui ont rejoint les rangs de l'État islamique sont depuis rentrés dans l'archipel.

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Des policiers des forces spéciales sont regroupés devant une pizzéria située près de la scène d'une attaque à Jakarta, le 14 janvier.

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Les corps de victimes des attentats sont recouverts, à Jakarta, le 14 janvier.

Huitième attentat depuis 2000

Voici les principaux attentats perpétrés depuis 2000 en Indonésie, dont la plupart ont été imputés à la Jemaah Islamiyah (JI), une organisation liée au réseau Al-Qaïda luttant pour la création d'un État islamique sur une grande partie de l'Asie du Sud-est, du sud de la Thaïlande au sud des Philippines.

- 17 juillet 2009 : Neuf morts, dont deux kamikazes, dans un double attentat-suicide contre les hôtels Marriott et Ritz Carlton de Jakarta. Les deux attaques, revendiquées par un groupe se présentant sous le nom de «Al-Qaïda Indonésie», sont attribuées au groupe de Noordin Mohammed Top, un islamiste radical tenu responsable des principaux attentats perpétrés par la JI.

- 1er octobre 2005 : Trois kamikazes se font sauter dans des restaurants des stations balnéaires de Kuta et de Jimbaran, tuant 15 Indonésiens, quatre Australiens et un Japonais. Les attentats, attribués à des activistes musulmans présumés de la JI, visaient «l'Amérique et ses alliés», selon des documents laissés par les assaillants.

- 28 mai 2005 : Vingt-deux personnes sont tuées dans deux attentats à la bombe perpétrés à quelques minutes d'intervalle sur un marché fréquenté par des chrétiens dans la ville de Tentena, dans le centre de l'île des Célèbes (Sulawesi), une région à fortes tensions confessionnelles.

- 9 septembre 2004 : Un attentat-suicide contre l'ambassade d'Australie à Jakarta fait douze morts, dont le kamikaze. La charge puissante placée dans une fourgonnette fauche mortellement des passants et cause d'importants dommages au quartier d'affaires de Kuningan, dans le centre de la capitale.

- 5 août 2003 : Un attentat à la voiture piégée contre l'hôtel américain Marriott de Jakarta fait douze morts, dont un homme d'affaires néerlandais, et près de 150 blessés. La Jamaah Islamiyah revendique l'attentat, alors que plusieurs de ses militants viennent d'être condamnés pour l'attentat de Bali.

- 12 octobre 2002 : Des attaques dans le quartier des boîtes de nuit et bars de Kuta, une station balnéaire très prisée de Bali, font 202 morts, en majorité des touristes étrangers, et plus de 300 blessés. Avec 88 morts, l'Australie paye le plus lourd tribut. En 2008, trois islamistes condamnés à mort pour ces attentats, attribués à la Jemaah Islamiyah, sont exécutés.

- 24 décembre 2000 : Des engins explosifs «déguisés» en cadeaux de Noël et envoyés à des églises et des membres du clergé dans huit villes à travers le pays font 19 morts.