La Corée du Nord a condamné un pasteur canadien aux travaux forcés à vie pour avoir voulu renverser le régime, dernier missionnaire étranger en date accusé d'ingérence par Pyonyang, provoquant la consternation à Ottawa, qui s'est dit «atterré» et a dénoncé une peine «excessivement sévère».

Hyeon Soo Lim, un pasteur d'origine sud-coréenne officiant à l'Église presbytérienne coréenne de la Lumière de Toronto, a été condamné par la Cour suprême, a rapporté mercredi l'agence officielle nord-coréenne KCNA.

«L'accusé Lim a reconnu toutes les accusations portées contre lui, y compris avoir diffamé abominablement notre système et notre dignité suprême, et comploté pour renverser notre État», a ajouté l'agence.

Le pasteur a cependant échappé à la peine de mort qu'avait requise l'avocat général, estimant que ses crimes méritaient «la punition la plus sévère», selon KCNA.

«Le Canada est atterré par la peine excessivement sévère infligée à M. Lim par une Cour de Corée du Nord, particulièrement en raison de son âge et de sa santé fragile», a réagi François Lasalle, un porte-parole de la diplomatie canadienne, dans un communiqué.

Les responsables consulaires du Canada n'ont pas pu rencontrer Hyeon Soo Lim et le gouvernement ainsi que les amis du condamné «restent inquiets pour ses droits et son bien-être, et souhaitent le voir rentrer au Canada», a-t-il ajouté.

Il serait âgé d'une soixantaine d'années, selon la presse canadienne.

M. Lim avait été arrêté en janvier par les autorités nord-coréennes après être entré dans le pays par la Chine. Les faits précis qui lui ont valu d'être poursuivi pour sédition n'ont jamais été précisés.

Selon son Église à Toronto, il effectuait en Corée du Nord une mission purement humanitaire. C'était un habitué des voyages dans ce pays où il intervenait principalement dans des orphelinats.

En août, les autorités avaient publié une vidéo montrant le pasteur assistant à un office religieux dans l'église Pongsu de Pyongyang. Il avouait un certain nombre de crimes devant un petit nombre de fidèles, parmi lesquels des ressortissants étrangers.

«J'ai commis un grave crime, celui d'avoir insulté et diffamé la dignité et la direction de la République», disait-il dans cette vidéo.

Liberté religieuse inexistante

Les ressortissants étrangers détenus en Corée du Nord sont généralement contraints de confesser publiquement leurs méfaits selon des scénarios élaborés avec soin, afin d'obtenir une éventuelle libération.

«Ce procès a une fois encore illustré le sort funeste qui attend les gens comme Lim, ceux qui sont aux ordres des régimes américain et sud-coréen, lesquels tentent sans fin d'annihiler notre système socialiste et de diffamer la dignité suprême de notre République sacrée», a ajouté KCNA.

Pyongyang voit avec une très grande méfiance les missionnaires étrangers, même s'il en autorise quelques-uns, pour des missions humanitaires.

Un certain nombre de religieux chrétiens, pour la plupart des Américains d'origine coréenne, ont été arrêtés en Corée du Nord. Certains ont pu rentrer chez eux après l'intervention de hauts responsables politiques américains.

La liberté religieuse est inscrite dans la Constitution nord-coréenne, mais dans les faits, elle est inexistante. Les activités religieuses sont strictement encadrées et confinées à des organisations officiellement reconnues par le gouvernement.

Les religieux étrangers arrêtés en Corée du Nord risquent de lourdes peines de prison. Ils peuvent aussi être utilisés par Pyongyang comme monnaie d'échange pour obtenir des concessions ou la venue en Corée du Nord d'éminents représentants étrangers.

En novembre 2014, Kenneth Bae, un ressortissant américain d'origine coréenne, avait été libéré après avoir été condamné à 15 ans de travaux forcés.

Il avait été libéré avec un autre Américain, à l'issue d'une mission secrète menée à Pyongyang par le chef du renseignement américain James Clapper.

En mars 2014, John Short, un missionnaire australien âgé, avait été expulsé après 13 jours de détention, non sans avoir signé des «aveux circonstanciés» et des excuses pour avoir distribué des prospectus religieux dans la capitale nord-coréenne.

Un missionnaire sud-coréen arrêté en Corée du Nord en octobre 2013, Kim Jeong-Wook, purge actuellement une condamnation aux travaux forcés à perpétuité pour espionnage.

La condamnation de M. Lim est annoncée au moment où des entretiens rarissimes de haut niveau entre les deux Corées viennent de s'achever sur un échec et des récriminations mutuelles.

Pour la deuxième année consécutive, le Nord est également la cible de critiques sévères au Conseil de sécurité de l'ONU pour son bilan en matière de droits de l'homme.