Les présidents taïwanais Ma Ying-jeou et chinois Xi Jinping vont se rencontrer ce week-end à Singapour, une première dans l'histoire de leurs deux pays aux régimes politiques antagonistes depuis la fin de la guerre civile en 1949, ont annoncé Taïwan et la Chine.

Pékin a évoqué une rencontre ce week-end, Taipei précisant qu'elle se tiendrait samedi.

«L'objectif de la visite du président Ma est d'assurer la paix de part et d'autre du détroit (de Formose) et de maintenir le statu quo dans le détroit», a déclaré mardi soir dans un communiqué le porte-parole du président taïwanais, Charles Chen.

Toutefois, a ajouté M. Chen, «aucun accord ne sera signé et aucune déclaration commune ne sera faite» à l'occasion de cette rencontre-surprise, MM. Ma et Xi se contentant d'«échanger leurs points de vue sur les questions bilatérales».

Tôt mercredi, l'agence de presse officielle Chine nouvelle a confirmé la rencontre, citant un responsable chinois des affaires taïwanaises à Pékin.

La dépêche d'une ligne de Chine nouvelle indique simplement que les deux parties vont «échanger leurs opinions sur la façon de promouvoir le développement de relations pacifiques entre les deux rives du détroit» de Formose.

Le président taïwanais donnera jeudi une conférence de presse, selon son porte-parole.

Des partis de l'opposition taïwanaise, inquiets de ces discussions bilatérales, ont appelé à manifester mercredi devant le Parlement.

Les États-Unis ont salué prudemment l'annonce de la rencontre. «Nous sommes naturellement enclins à saluer les pas qui sont faits de part et d'autre du détroit de Taïwan (Formose) pour tenter de réduire les tensions et d'améliorer les relations», a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest. «Mais nous devons voir sur quoi débouche réellement la rencontre».

Le Kuomintang (KMT), dont est issu M. Ma, est aux affaires de façon quasi-ininterrompue à Taïwan depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Il s'emploie depuis 2010 à réchauffer des relations jusqu'alors exécrables avec la Chine, qui considère toujours l'île comme une partie intégrante de son territoire.

Le Kuomintang a ainsi porté des négociations commerciales qui ont débouché sur la signature en juin 2010 d'un accord-cadre de coopération économique avec Pékin.

Cette politique a été menée sous l'impulsion de Ma Ying-jeou, élu en 2008 à la tête de l'île (et réélu en 2012).

Défiance 

Mais nombre de Taïwanais voient cet accord d'un mauvais oeil, craignant de voir l'industrie et l'agriculture locales ployer sous le poids du géant chinois.

L'opinion publique à Taïwan est d'ailleurs devenue hostile à des relations plus étroites avec la Chine, craignant que, de manière générale, elle n'exerce une influence croissante sur cette île.

Sur le plan diplomatique, les relations sino-taïwanaises restent marquées par la défiance malgré le dialogue noué en 2011 pour la première fois depuis 1949, quand Mao Tsé-toung avait proclamé l'avènement de la République populaire de Chine (RPC).

Réfugiés sur l'île de Taïwan (ex-Formose), les nationalistes du Kuomintang emmenés par Chang Kai-shek (1887-1975) avaient alors mis en place leurs propres structures politiques et interdit tout lien avec la Chine communiste.

Illustration de ces rapports toujours difficiles, Pékin a récemment rejeté la candidature de Taïwan à la nouvelle Banque asiatique d'investissement, indiquant que ce pays, dont le nom officiel est République de Chine, pourrait être candidat dans un second temps, «sous une appellation appropriée».

De plus, le président chinois a rappelé en mai dernier que pour Pékin il n'y avait qu'une «seule Chine» et des «compatriotes taïwanais».

Le président taïwanais avait précédemment proposé de rencontrer son homologue chinois à l'occasion d'une réunion de l'APEC (Coopération économique pour l'Asie-Pacifique) à Pékin en novembre 2014, mais la Chine avait selon lui refusé.

Ma Ying-jeou quittera le pouvoir l'année prochaine à l'issue de ses deux mandats, le maximum autorisé par la Constitution taïwanaise. La candidate du principal parti d'opposition, le Parti démocratique progressiste, Tsai Ing-wen, favorable au maintien du statu quo avec Pékin, est donnée victorieuse par les sondages à l'élection présidentielle de janvier.

Fait marquant, les Taïwanais ont effectué cinq millions de séjours en Chine populaire l'an dernier, les Chinois quatre millions à Taïwan, selon des statistiques chinoises.