La Corée du Nord, qui vient d'annoncer que son principal complexe nucléaire était pleinement opérationnel, pourrait s'être lancée dans l'élaboration de bombes atomiques bien plus puissantes et perfectionnées que celles qu'elle a déjà, selon des experts américains.

Le directeur de l'Institut de l'énergie atomique (IEA) de Corée du Nord, a indiqué mardi que le complexe de Yongbyon avait «repris des opérations normales».

Ce centre compte en particulier une usine d'enrichissement d'uranium et un réacteur de cinq mégawatts considéré comme la principale source nord-coréenne de plutonium de qualité militaire.

Ce haut responsable, dont le nom n'a pas été donné par l'agence officielle KCNA, a également affirmé que les scientifiques et techniciens nord-coréens avaient «constamment amélioré» les installations visant à la dissuasion nucléaire, tant sur le plan qualitatif que quantitatif.

Quelques heures plus tôt, Pyongyang avait évoqué la possible mise sur orbite le mois prochain de satellites au moyen de fusées, un lancement considéré par Séoul et Washington comme s'inscrivant dans un programme de missiles intercontinentaux.

Un discours musclé, préparé vraisemblablement aux fins de propagande intérieure et internationale.

Pyongyang prépare en effet un important défilé militaire pour le 70e anniversaire d'un parti unique au pouvoir, le 10 octobre. La Corée du Nord cherche également à se faire une bonne place à l'ordre du jour des discussions du prochain sommet sino-américain.

L'Institut pour la science et la sécurité internationale (ISIS), dont le siège est à Washington, a expliqué mercredi que l'analyse des images satellite n'avait pas permis de confirmer que toutes les installations du complexe de Yongbyon étaient complètement opérationnelles.

Il a cependant signalé de nombreux indices laissant penser que le réacteur et l'usine d'enrichissement d'uranium fonctionnent à nouveau, au moins par intermittence.

Armes au tritium?

Mais l'institut a surtout mis en garde contre ce qui semble être une nouvelle «cellule chaude» en construction à Yongbyon, qui pourrait servir à la séparation d'isotopes du matériel irradié produit par le réacteur.

Une «cellule chaude» est une enceinte destinée au traitement de matières radioactives, et qui assure le confinement et la protection contre les rayonnements grâce à des parois blindées.

«Les traces visibles par une analyse historique de l'imagerie satellite sont cohérentes avec une installation de séparation d'isotopes, et notamment de séparation de tritium», explique l'institut.

Le tritium est un des isotopes de l'hydrogène, et un des composants clés pour la fabrication de bombes thermonucléaires, dont la puissance est nettement supérieure à celle des bombes ne contenant que de l'uranium ou du plutonium.

La Corée du Nord a mené trois essais nucléaires, en 2006, 2009 et 2013, qui lui ont valu plusieurs volées de sanctions internationales. Les deux premiers étaient des engins au plutonium. Le troisième incluait vraisemblablement - ce qui n'a pas été confirmé - de l'uranium.

«Nous ne savons pas si la Corée du Nord peut effectivement fabriquer des armes nucléaires incluant du tritium, mais nous pensons qu'elle doit encore résoudre des problèmes techniques pour en être capable», a dit l'ISIS.

«Résoudre ces difficultés techniques impliquerait probablement d'autres essais nucléaires souterrains.»

Pyongyang posséderait plus de 10 bombes nucléaires produites à partir de plutonium ou d'uranium enrichi. Et selon un scénario dressé par des experts américains, dont ceux de l'institut Johns-Hopkins, le pays pourrait en posséder jusqu'à une centaine en 2020.

Si, comme beaucoup d'observateurs le soupçonnent, Pyongyang effectue un nouveau tir de fusée aux alentours du 10 octobre, alors la possibilité d'un nouvel essai nucléaire serait aussi à craindre.

Le dernier lancement nord-coréen de fusée, en décembre 2012, avait entraîné l'escalade des tensions sur la péninsule qui avait culminé, deux mois plus tard, avec le troisième essai nucléaire de Pyongyang.

Mardi, la Maison-Blanche a exhorté le Nord à «s'abstenir de provocations irresponsables qui ne font qu'aggraver les tensions régionales».