Les deux Corées sont tombées d'accord mardi pour organiser en octobre une réunion des familles séparées par la guerre (1950-53), un événement rarissime toujours emprunt d'émotion, conformément à un compromis conclu le mois dernier pour apaiser une crise qui menaçait de dégénérer.

Cette rencontre, la deuxième seulement en cinq ans, se tiendra du 20 au 26 octobre dans la station de montagne nord-coréenne de Kumgang, avec 100 participants sélectionnés par chacun des deux camps, selon le ministère sud-coréen de l'Unification, qui s'occupe des affaires intercoréennes.

Séoul souhaitait que cet événement soit organisé avant le 10 octobre, date du 70e anniversaire de la fondation du parti unique au pouvoir en Corée du Nord. D'après la presse, la Corée du Sud craignait que Pyongyang ne s'empare de l'occasion pour commettre un acte provocateur susceptible de le faire capoter.

Les représentants de la Croix-Rouge des deux États rivaux s'étaient retrouvés lundi matin dans le village frontalier de Panmunjom, où fut signé le cessez-le-feu de 1953, pour organiser la logistique du rendez-vous. Les discussions ont duré toute la nuit.

Ces pourparlers étaient le résultat d'un compromis conclu le 25 août pour mettre fin à une crise dangereuse qui menaçait de précipiter les deux Corées dans un conflit armé.

Tensions persistantes

Pyongyang a d'ores et déjà accusé Séoul de vouloir présenter ce texte comme un recul nord-coréen. Elle a prévenu que le compromis serait jeté aux orties, y compris la clause sur la réunion des familles, si Séoul persistait à émettre des «remarques délirantes».

La Corée du Nord prévoit d'organiser le 10 octobre un gigantesque défilé militaire en hommage au Parti des travailleurs, qui régit le pays d'une main de fer depuis des décennies.

La Corée du Sud se demande si Pyongyang ne pourrait pas être tenté de lancer à cette occasion une fusée à longue portée, ce qui lui vaudrait de nouvelles sanctions de l'ONU et raviverait à coup sûr les tensions.

Des millions de personnes ont été séparées par le conflit qui a consacré la division de la péninsule coréenne. Bon nombre d'entre elles sont mortes sans avoir pu revoir ou parler à leurs êtres chers. Toute communication civile interfrontalière est interdite.

Environ 66 000 Sud-Coréens, dont beaucoup d'octogénaires et de nonagénaires, sont sur une liste d'attente pour participer à une éventuelle rencontre, mais les élus seront rares.

Sélection draconienne

Les réunions des familles avaient véritablement commencé après un sommet historique Nord/Sud en 2000. À l'origine, il y avait une rencontre par an, mais les tensions qui surgissent régulièrement dans la péninsule avaient eu raison de ce rythme. Plusieurs réunions ont été annulées par la Corée du Nord à la dernière minute.

Le processus de sélection est éprouvant, soulevant d'immenses espoirs qui n'ont statistiquement que peu de chances d'être satisfaits.

Lors du dernier événement de ce type en février 2014, un ordinateur avait choisi 500 candidats sud-coréens au hasard, en tenant compte de facteurs comme l'histoire familiale et l'âge. Après des entretiens et des examens médicaux, ce nombre avait encore été réduit à 200. Puis, les deux Corées avaient dressé chacune une liste de 100 participants.

Mais le suspense avait duré jusqu'à la dernière minute. Des négociations de la dernière heure s'étaient tenues pour éviter que la Corée du Nord n'annule la réunion à cause du refus de Séoul d'annuler ses exercices militaires annuels conjoints avec les États-Unis.

Pour les personnes choisies, qui tombent dans les bras les unes des autres en sanglots, les retrouvailles sont presque traumatisantes. Elles durent plusieurs jours et la joie est tempérée par l'inévitable, le spectre de la séparation imminente qui sera cette fois définitive.

Shim Goo-seob, président d'une association des familles, s'est dit déçu qu'une fois encore chaque camp soit limité à 100 places.

«Si ça continue comme ça, quelle chance auront les 60 000 inscrits en liste d'attente d'avoir leur tour?», a-t-il demandé à l'AFP.