Le secrétaire d'État américain John Kerry a dénoncé mercredi auprès de son homologue chinois Wang Yi la «militarisation» que Pékin a engagée en mer de Chine méridionale, à l'origine d'une poussée de fièvre avec ses voisins d'Asie du Sud-Est.

Le patron de la diplomatie américaine a fait part des préoccupations de Washington lors d'un entretien avec Wang en marge de rencontres diplomatiques régionales à Kuala Lumpur, en Malaisie, dominées par les revendications et les initiatives controversées de Pékin en mer de Chine méridionale. Une région stratégique pour les échanges internationaux.

«Le secrétaire d'État Kerry a réitéré son inquiétude face à la montée des tensions à propos de revendications conflictuelles en mer de Chine méridionale et à propos de la militarisation, réhabilitation et construction à grande échelle auxquelles se livre la Chine», a déclaré un diplomate du département d'État, en marge des réunions de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (Asean), auxquelles participent aussi les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Union européenne ou encore le Japon et l'Australie.

Devant M. Wang, M. Kerry «a encouragé la Chine, ainsi que les autres demandeurs (ndr: pays revendiquant des territoires en mer de Chine), à cesser d'agir de manière problématique afin de laisser la place à la diplomatie», a relaté le diplomate américain auprès de journalistes voyageant avec le ministre américain.

Les Chinois sont accusés de mener d'énormes opérations de remblaiement en mer de Chine méridionale, transformant des récifs coralliens en ports et en infrastructures diverses, afin de gagner du terrain sur l'eau - quelque 800 hectares ces 18 derniers mois, selon Washington - et étendre leur souveraineté.

La Chine veut continuer

Les États-Unis et les nations d'Asie du Sud-Est ont appelé à mettre fin à ces opérations, ce que la Chine a refusé. Mais mercredi, Wang a affirmé que la réhabilitation de territoires avait «déjà cessé».

«La Chine a déjà cessé. Vous regardez qui construit? Prenez un avion et regardez par vous-même», a dit Wang à des journalistes.

Une source diplomatique asiatique a toutefois indiqué que Wang avait déclaré à ses homologues dans la région que Pékin poursuivrait ses projets de construction sur les îles nouvellement créées.

De son côté, le vice-ministre japonais des Affaires étrangères, Minoru Kiuchi, représentant Tokyo aux rencontres, a fait part mercredi de sa «profonde préoccupation concernant la revendication à grande échelle de territoire, la construction d'avant-postes et leur utilisation à des fins militaires», selon un communiqué du gouvernement japonais.

Les contentieux en mer de Chine méridionale sont cette année encore au centre des réunions de l'Asean qui regroupe dix pays -- Malaisie, Thaïlande, Singapour, Vietnam, Indonésie, Philippines, Laos, Cambodge, Birmanie et le sultanat de Brunei. Elles ont débuté mardi et s'achèveront jeudi dans la capitale malaisienne.

Lors d'un mini-sommet entre les États-Unis et l'Asean à Kuala Lumpur, John Kerry lui-même s'était montré beaucoup plus apaisant mercredi matin, se contentant d'appeler à la «stabilité» et à trouver un règlement «pacifique» aux disputes territoriales.

Cette région est un carrefour de routes maritimes vitales pour le commerce mondial, et recèle potentiellement des réserves d'hydrocarbures.

Le Vietnam, la Malaisie, les Philippines et le sultanat de Brunei revendiquent la souveraineté de certaines parties stratégiques de cette mer, mais Pékin les revendique presque toutes et se montre de plus en agressive dans la région, ce qui alarme l'Asean et ses partenaires.

La Chine, qui fonde sa revendication sur des cartes remontant aux années 1940, a récemment donné du poids à ses prétentions en construisant des îles artificielles sur des récifs disputés.

Par ailleurs, M. Kerry rencontrera mercredi soir son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour «discuter d'un éventail de sujets de préoccupation commune», selon un responsable du département d'État.

Les deux hommes s'étaient déjà vus lundi à Doha, en marge d'une réunion des pays du Golfe, lors d'une réunion tripartite inédite avec leur homologue saoudien Adel al-Jubeir, pour parler essentiellement du conflit syrien.