Les États-Unis ont dit craindre mercredi pour la vie des migrants abandonnés en mer par les passeurs au large de l'Indonésie et de la Malaisie, pressant les nations d'Asie du Sud-Est d'agir sans délai pour régler la crise.

Le destin tragique des milliers d'exilés du Bangladesh ou de Birmanie fuyant la misère ou les persécutions dans leur pays d'origine fait écho au drame des migrants qui tentent de gagner l'Union européenne en traversant la Méditerranée.

Près de 2000 personnes, parmi lesquels de nombreux Rohingyas, minorité musulmane considérée comme l'une des plus persécutées du monde par l'ONU, sont parvenues jusqu'aux côtes malaisiennes et indonésiennes ces derniers jours.

Mais l'Indonésie et la Malaisie ont annoncé qu'elles refouleraient tous les bateaux arrivant sur leur littoral, condamnant les passagers désespérés à demeurer sur leur prison flottante sans eau ni nourriture.

Mizanur Rahman, un adolescent bangladais de 14 ans, a témoigné de son calvaire, affirmant avoir passé deux mois en mer avec 600 autres migrants dans des conditions d'hygiène et de sécurité déplorables.

Chaque passager disposait au départ d'une ration de riz par jour, puis plus rien pendant deux semaines, a-t-il affirmé à l'AFP. D'autres ont raconté avoir vu mourir six personnes de maladie ou de faim.

Les États-Unis ont appelé les pays de la région à apporter «une réponse régionale» à la crise.

La plupart des migrants font le voyage «en raison de leur situation humanitaire ou économique difficile et/ou parce qu'ils fuient les violences ethniques ou religieuses», a déclaré à l'AFP une porte-parole de l'ambassade américaine à Bangkok. «C'est un problème régional qui doit être réglé au niveau régional au moyen d'un effort coordonné international en respect des conventions internationales et du droit maritime», a-t-elle ajouté.

A Washington, le porte-parole du département d'État Jeffrey Rathke a assuré que son gouvernement travaillait avec le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR), l'Organisation internationale pour les migrations et les gouvernements de la région qui «gèrent ce fardeau».

«Plutôt mourir que de rentrer chez nous»

La Thaïlande a annoncé la tenue d'un sommet le 29 mai à Bangkok avec 15 pays, dont l'Australie, l'Indonésie, la Malaisie, le Cambodge, le Laos, la Birmanie, le Vietnam, le Bangladesh et les États-Unis.

Jusqu'à présent, des dizaines de milliers de candidats à l'exil transitaient chaque année par le sud de la Thaïlande, point de passage vers la Malaisie et au-delà.

Mais Bangkok a décidé de sévir contre les trafiquants après la découverte de fosses communes contenant les dépouilles de clandestins en pleine jungle, selon des ONG.

Depuis deux semaines, la Thaïlande a lancé une vaste opération contre la filière, démantelant de nombreux camps de transit et multipliant les arrestations de passeurs.

Du coup, les responsables de la traite cherchent d'autres itinéraires et emmènent leurs bateaux plus au large au lieu de caboter le long des côtes, et plus au sud, jusqu'en Indonésie, alors que les migrants croient approcher les côtes malaisiennes.

«Nous voulons aller en Malaisie, nous rêvons d'un meilleur avenir pour nos familles. Après tout ce que nous avons enduré, nous préférons mourir plutôt que de rentrer chez nous», a assuré le jeune Minazur Rahman.

Mais la Malaisie, pays relativement prospère à majorité musulmane, a répété qu'elle n'accepterait aucun migrant venu par la mer, sauf risque imminent de naufrage.

«La politique a toujours été de les escorter en dehors des eaux malaisiennes après leur avoir donné les provisions nécessaires», a déclaré mercredi l'amiral Tan Kok Kwee de la marine malaisienne, sur l'île touristique de Langkawi.

Piégés en mer 

La veille, la marine indonésienne avait remorqué vers le large un bateau avec 400 migrants à l'abandon, affirmant qu'ils n'étaient «pas le problème» de Jakarta.

D'après le HCR, quelque 25 000 Rohingyas et Bangladais ont pris la mer par l'intermédiaire de passeurs entre janvier et mars - presque le double par rapport à 2014.

D'après une association de défense des Rohingyas, le Projet Arakan, quelque 8000 personnes se trouveraient à la dérive dans les eaux du Sud-Est asiatique. L'association a affirmé avoir reçu les appels de détresse de migrants à bord d'un navire non loin des côtes de la Thaïlande et de la Malaisie.

Environ 350 personnes, dont des dizaines de femmes et d'enfants, seraient à bord de ce navire que les passeurs ont abandonné après avoir mis le moteur hors service.

Le président de la Fédération internationale de la Croix-Rouge, Elhadj As Sy, a une nouvelle fois dénoncé «l'indifférence» de la communauté internationale à l'égard des migrants. «Tout le monde est indifférent parce que la politique interfère à tous les niveaux», a-t-il déclaré à Manille.