Les appels se sont multipliés mardi pour demander aux gouvernements du Sud-Est asiatique de porter secours à des milliers de migrants du Bangladesh et de Birmanie en perdition dans les eaux de la région.

Face à cette crise «sans précédent», la Thaïlande a annoncé la tenue d'un sommet régional le 29 mai à Bangkok avec des représentants de 15 pays, dont l'Australie, l'Indonésie, la Malaisie, le Cambodge, le Laos, la Birmanie, le Vietnam, le Bangladesh ainsi que les États-Unis.

Depuis plusieurs jours, l'inquiétude monte dans la région sur le sort de milliers de réfugiés de la mer, parmi lesquels de nombreux Rohingyas, minorité musulmane considérée comme l'une des plus persécutées du monde par l'ONU, qui risquent de périr faute de nourriture et d'eau potable.

Près de 2000 migrants sont parvenus jusqu'aux côtes malaisiennes et indonésiennes ces derniers jours, probables victimes collatérales du durcissement de la politique thaïlandaise. Bangkok a décidé de sévir contre les trafiquants après la découverte récente de fosses communes contenant les dépouilles de clandestins en pleine jungle.

Jusqu'à présent, chaque année, des dizaines de milliers de candidats à l'exil transitaient par le sud de la Thaïlande, point de passage vers la Malaisie et au-delà, pour fuir la pauvreté au Bangladesh ou la violence s'agissant des Rohingyas de Birmanie.

Mais selon les défenseurs des droits des clandestins, les trafiquants n'osent plus débarquer en Thaïlande. Les migrants se retrouvent piégés en mer pendant que les passeurs cherchent de nouveaux itinéraires quand ils ne les abandonnent pas purement et simplement à leur sort.

Le Projet Arakan, une association de défense des Rohingyas, estime qu'environ 8000 personnes se trouveraient ainsi à la dérive. L'association a affirmé mardi avoir reçu les appels de détresse de migrants à bord d'un navire non loin des côtes de la Thaïlande et de la Malaisie.

Environ 350 personnes, dont des dizaines de femmes et d'enfants, seraient à bord de ce navire que les passeurs ont abandonné après avoir mis le moteur hors d'état.

«Ils nous ont dit qu'ils n'avaient ni bu ni mangé depuis trois jours», a indiqué Chris Lewa, une responsable de l'association.

Quarante-trois jours à la dérive

Mardi, une patrouille des gardes-côtes et de la Marine bangladaise a intercepté un nouveau chalutier dans le golfe du Bengale transportant 116 migrants, «tous bangladais», a indiqué à l'AFP le commandant de la station des gardes-côtes Dickson Chowdhury.

Le bateau, abandonné par son équipage apparemment birman, naviguait près de la frontière birmane, avec pour destination finale, la Malaisie, ont précisé les gardes-côtes.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM), agence intergouvernementale qui compte 157 membres, a appelé les gouvernements de la région à réagir.

«Un effort régional est nécessaire. Nous n'avons pas les capacités pour les rechercher» mais les gouvernements «ont des bateaux et des satellites», a déclaré à l'AFP Joe Lowry, porte-parole à Bangkok de l'OIM.

«D'après les survivants, il y a très peu de nourriture et d'eau au départ», a renchéri Vivian Tan, porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR). «Et s'ils sont là-bas depuis des semaines ou des mois, on peut craindre qu'ils soient gravement malades».

Steven Hamilton, de la mission indonésienne de l'OIM, a souligné la difficulté à retrouver les bateaux, tant le trafic maritime est intense dans la région.

Comme en Méditerranée, où des flux ininterrompus de migrants transitant pour la plupart par la Libye risquent leur vie pour tenter de rejoindre l'Europe, la traite d'êtres humains est florissante en Asie du Sud-Est. Et les passeurs profitent de l'absence de coordination des autorités nationales.

Jakarta a ainsi annoncé mardi avoir refoulé un des deux bateaux parvenus jusqu'à ses rivages, avec 400 personnes à bord.

Dimanche, 582 personnes transportées par un premier bateau avaient pu débarquer dans la province d'Aceh, sur l'île de Sumatra.

Mais la seconde embarcation a été ravitaillée en mazout et «remorquée hors du territoire indonésien», a déclaré Manahan Simorangkir, porte-parole de la marine indonésienne.

Ali Hussein, un Rohingya de 31 ans, a gagné à la nage le rivage de l'île malaisienne de Langkawi. Comme nombre de ses semblables, il a fui les persécutions subies en Birmanie. «C'était une question de vie ou de mort».

Avec 800 autres migrants, il a navigué 43 jours à bord d'un navire surchargé et avec des réserves alimentaires maigres au départ.

La Birmanie à dominante bouddhiste considère les 1,3 million de Rohingyas comme des immigrants bangladais illégaux. La Malaisie, pays relativement prospère à dominante musulmane, est une destination privilégiée pour les réfugiés. D'autres poursuivent leur route jusqu'en Indonésie.