Le Pakistan a levé complètement son moratoire sur la peine de mort, en vigueur depuis 2008, ont annoncé mardi des responsables, une mesure aussitôt décriée par les défenseurs des droits de l'Homme.

Dans la foulée du raid taliban contre une école de Peshawar (nord-ouest), ayant fait 153 morts à la mi-décembre, les autorités avaient levé partiellement ce moratoire en autorisant les exécutions de condamnés à mort dans les seules affaires de terrorisme, sans toutefois autoriser la pendaison de condamnés pour d'autres crimes.

Depuis décembre, 24 condamnés à mort par des tribunaux antiterroristes ont ainsi été exécutés, des pendaisons vivement dénoncées par des organisations de défense des droits de l'Homme, l'ONU et l'Union européenne (UE).

Malgré ces protestations, «le gouvernement a levé le moratoire sur la peine capitale», a déclaré mardi à l'AFP un haut responsable au ministère de l'Intérieur.

«Le ministère de l'Intérieur a ordonné aux autorités provinciales d'exécuter tous les prisonniers condamnés à mort dont les demandes de grâce ont été rejetées», a ajouté ce responsable requérant l'anonymat.

«Nous avons bien reçu une lettre du gouvernement fédéral nous demandant de prendre des mesures rapides pour les condamnés à mort dont les demandes de grâce ont été rejetées», a confirmé à l'AFP le numéro deux du ministère de l'Intérieur de la province du Baloutchistan (sud-ouest), Akbar Hussain Durrani.

«La facilité avec laquelle ce gouvernement a renié ses engagements pris il y a à peine deux mois est choquante», a réagi Sarah Belal, avocate à l'ONG Justice Project Pakistan (JPP), qui défend de nombreux condamnés à mort.

Selon Amnesty International, près de 8000 condamnés à mort croupissent aujourd'hui dans les prisons au Pakistan, géant de près de 200 millions d'habitants. Et environ 1000 prisonniers condamnés à mort ont épuisé tous leurs recours, incluant leur demande de grâce au président, a souligné un haut responsable au ministère de l'Intérieur.

Au Pakistan, pays reconnu pour la lenteur de ses procédures pénales, les tribunaux antiterroristes sont souvent utilisés pour accélérer les procédures dans de simples affaires de meurtre qui ne relèvent pas nécessairement du terrorisme, dénoncent des organisations de défense des droits de l'Homme.

Les autorités avaient ainsi sursis au cours des dernières semaines à l'exécution de certains condamnés à mort par des tribunaux antiterroristes afin d'enquêter sur la nature réelle des crimes pour lesquels ils ont été jugés. Mais la levée complète du moratoire sur la peine capitale pourrait désormais précipiter la mort de ces personnes.

Le maintien du moratoire avait pourtant été considéré comme l'un des points clés ayant permis au Pakistan d'obtenir il y a un peu plus d'un an le statut de GSP+ lui permettant d'exporter sans barrière tarifaire de nombreux produits, notamment textiles, vers l'Union européenne, son premier partenaire économique.

Avec une main-d'oeuvre payée l'équivalent de 80 euros par mois, le textile fournit plus de la moitié des exportations pakistanaises, avec des ventes évaluées à environ dix milliards d'euros l'an dernier et destinées principalement à l'Europe.