Vandna a abandonné famille, amis et études pour se marier en secret avec Dilip dans un temple de New Delhi, un mariage d'amour rejeté par ses parents qui contraint le couple à vivre dans la clandestinité.

C'est grâce à l'association Love Commandos, une association qui vient au secours de couples mis au ban de leur famille, que la jeune femme de 22 ans et son mari, 28 ans, ont trouvé refuge en juillet dans un modeste appartement de la capitale indienne.

Love Commandos a été créée en juillet 2010 par un ancien journaliste, Sanjoy Sachdev, venu à l'aide d'un jeune homme accusé à tort de viol pour empêcher son mariage. L'association assure avoir secouru plusieurs milliers de couples en leur donnant accès à des hébergements et des conseils juridiques.

Outre ses sept appartements d'accueil à New Delhi, elle compte sur 300 couples, passés par ses murs, pour héberger les amants pendant les premiers jours de leur fuite. «Certains restent chez nous pendant 14 mois, d'autres 14 heures», raconte M. Sachdev.

Le mariage arrangé reste une tradition solidement ancrée en Inde, où nombreuses sont les familles qui veulent avoir leur mot à dire dans le choix du conjoint de leur enfant.

Vandna devait se marier avec un jeune homme choisi par ses parents qui étaient totalement opposés à son mariage avec Dilip.

Le frère de Vandna a découvert la liaison de sa soeur en consultant sa messagerie.

«Mes parents m'ont fait arrêter mes études de commerce et de gestion», dit-elle à l'AFP. «Mais devant mon insistance, mon père a accepté que je reprenne mes études».

Pour autant, ses parents organisent son mariage avec un homme de leur communauté. La veille de la cérémonie, Vandna s'enfuit avec son amoureux près d'Indore, dans le centre de l'Inde. Au bout d'un mois, le couple a épuisé ses économies et sur les conseils d'un ami appelle Love Commandos à l'aide.

«Je n'ai aucune nouvelle de mes parents, je n'ai appelé ni ma famille ni mes amis depuis que je suis partie», confie Vandna.

«J'ai le projet de devenir institutrice et mon mari veut créer son entreprise, mais nous ne savons pas quand ce sera possible», explique la jeune femme, qui ne s'aventure que rarement dehors.

Protéger les droits des amoureux

«Pour des questions de caste, de religion ou de statut social, de nombreux parents s'opposent encore au mariage de leur enfant», souligne le fondateur de Love Commandos.

Une hostilité qui va encore parfois jusqu'aux «crimes d'honneur», perpétrés par des proches ou des anciens du village pour protéger, disent-ils, la réputation familiale.

Ce fut le destin de Bhawna Yadav, une jeune femme de 21 ans. Ses parents sont soupçonnés de l'avoir tuée et d'avoir fait disparaître son corps.

Elle avait épousé en secret le 12 novembre Abhishek Seth, jeune programmeur informatique de 24 ans rencontré deux ans plus tôt.

Le jeune homme retrace minutieusement les heures qui ont précédé sa mort. «Apprenant notre mariage, ses parents m'ont supplié de laisser Bhawna revenir chez eux pour une grande cérémonie avec leur communauté. Sur le conseil d'amis, j'ai accepté», dit-il.

Il ne la reverra plus jamais. Le 16 novembre, un cousin de Bhawna l'appelle pour l'informer qu'elle est morte et que son corps a été brûlé dans un village du Rajasthan.

«Nous avions tant de projets. Elle voulait partir en vacances à Goa et que nous gravions chacun sur un bras un coeur avec nos deux initiales», raconte Abhishek à l'AFP. Une promesse qu'il a tenue après la disparition de sa femme.

Pour le fondateur de Love Commandos, ces drames restent largement sous-estimés. Il appelle les politiques à mettre «sur leur programme la protection des droits des amoureux».

«L'éducation amène une plus grande implication des filles dans l'organisation de leur mariage», estime pour sa part Sonalde Desai, démographe et professeur de sociologie.

L'un de ses travaux a montré que près d'une femme illettrée sur deux n'a pas eu son mot à dire dans le choix de son conjoint, une proportion qui chute à 10 % pour les diplômées de l'université.

«Cela ne signifie pas que ces diplômées ont eu des mariages d'amour. Cela n'a été le cas que pour 7 % d'entre elles, les autres étant impliquées à divers degrés dans le choix de leur époux», explique-t-elle à l'AFP.