L'un des plus hauts responsables du renseignement en Chine a été placé en détention, dernière victime de la reprise en main de l'appareil sécuritaire par le numéro un communiste, Xi Jinping, ont annoncé vendredi les autorités.

Vice-patron du ministère de la Sécurité d'État, souvent qualifié de «KGB chinois», Ma Jian était considéré comme l'homme qui régnait depuis des années sur les puissants services d'espionnage et de contre-espionnage chinois.

Il est accusé de «graves violations disciplinaires», une expression désignant dans le jargon du régime des faits de corruption, ont rapporté l'agence de presse Chine nouvelle ainsi que la Commission centrale d'inspection de la discipline, le gendarme du parti unique.

La chute de Ma Jian doit être rapprochée de la disgrâce de son ancien patron, Zhou Yongkang, le plus haut personnage du régime tombé depuis la chute de la bande des quatre après la mort de Mao Tsé-toung en 1976.

Zhou Yongkang, qui fut durant dix ans l'homme-clé des affaires de sécurité du régime, attend lui d'être jugé, après avoir été arrêté et exclu du Parti communiste chinois (PCC), dont il était membre du comité permanent du Bureau politique jusqu'à son retrait en 2012.

À la tête de la Commission des affaires politiques et judiciaires du PCC, il avait la haute main sur la police, la justice et les renseignements.

Zhou Yongkang est également accusé de corruption. La presse officielle a rapporté cette semaine qu'il avait constitué une «clique» au sein du PCC avec Bo Xilai, ex-étoile montante du parti et patron de la mégalopole de Chongqing, condamné en 2013 à la prison à vie pour corruption et pour avoir tenté d'étouffer une enquête sur l'assassinat par son épouse Gu Kailai d'un homme d'affaires britannique.

L'annonce de la chute de Ma Jian est une nouvelle illustration de la volonté déclarée du président chinois Xi Jinping de s'en prendre aux «tigres» comme aux «mouches», désignant les hauts comme les petits fonctionnaires corrompus.

Parmi ses fonctions, Ma Jian devait notamment coordonner la lutte contre les dissidents, en recoupant des renseignements recueillis en Chine et à l'étranger.

Selon l'hebdomadaire économique chinois Caixin, une publication respectée, Ma Jian a travaillé plusieurs décennies au ministère de la Sécurité d'État après être sorti de l'université dans les années 1980.

Il aurait été impliqué dans des «conflits» au sein du Founder Group, un conglomérat de «high-tech» lié à la prestigieuse Université de Pékin (Beida) et dont la direction a été arrêtée en décembre pour des détournements de fonds de plusieurs milliards de yuans, selon la presse chinoise.

Le responsable de l'espionnage chinois a été mentionné pour la dernière fois officiellement à l'occasion d'«activités liées» à une réunion à Islamabad en décembre entre le ministre chinois de la Sécurité d'État, Guo Shengkun, et le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

Le quotidien de Hong Kong South China Morning Post a fait état cette semaine de son côté de «liens étroits» entre Ma Jian et l'ancien chef de cabinet de l'ex-président Hu Jintao, Ling Jihua, également accusé de corruption.

Même si les poursuites visant Zhou et Ma sont faites au nom d'un assainissement des structures politiques chinoises, gangrénées par la corruption, elles témoignent d'un renforcement du pouvoir du secrétaire général du PCC, Xi Jinping.

Dans un pays où le budget des organes de sécurité dépasse celui du ministère de la Défense, le ministère de la Sécurité d'État forme un «État dans l'État», aux pouvoirs étendus et à l'organisation extrêmement opaque.

À peu près rien ne filtre sur les responsables qui y font carrière, mais leur influence est censée être très importante dans les plus hautes sphères du pouvoir.