Le chef de la diplomatie américaine John Kerry est arrivé lundi au Pakistan pour une visite surprise visant à resserrer la coopération antiterroriste entre Washington et Islamabad après l'attaque talibane qui a fait 150 morts le mois dernier dans une école de Peshawar.

M. Kerry doit d'ailleurs se rendre dans cette école, théâtre de l'attaque la plus meurtrière de l'histoire du pays, a annoncé le chef de la diplomatie pakistanaise, Sartaj Aziz, sans épiloguer sur cette rare visite d'un dignitaire étranger dans le nord-ouest du pays, devenu un bastion des insurgés.

Les discussions de M. Kerry avec des responsables pakistanais «seront cruciales afin de faire avancer notre combat commun contre les combattants extrémistes», a déclaré un responsable du département d'État.

Le Pakistan et les États-Unis entretiennent des relations houleuses, des responsables à Washington ayant par le passé accusé Islamabad de «double jeu» dans la «guerre contre le terrorisme», en appuyant des «bons» talibans qui combattent en Afghanistan tout en sévissant contre des «mauvais» talibans en lutte contre les autorités à Islamabad.

«Nous allons parler de l'élimination des groupes terroristes sans faire de distinction entre eux», a fait valoir ce haut responsable requérant l'anonymat. «Ce n'est un secret pour personne que les États-Unis ont exhorté le Pakistan à en faire davantage en terme de contre-terrorisme», a-t-il ajouté.

«Mais je pense aussi que le mérite revient au gouvernement du Pakistan pour sa réaction ferme après l'attaque de Peshawar et son opération au Waziristan du Nord», a souligné ce responsable.

Après des années de pressions des États-Unis, l'armée pakistanaise a lancé un juin une vaste offensive au Waziristan du Nord, zone tribale frontalière de l'Afghanistan devenue depuis une décennie l'épicentre de la mouvance jihadiste régionale.

En représailles à cette offensive, les talibans pakistanais du TTP ont attaqué le 16 décembre une école de Peshawar (nord-ouest) fréquentée principalement par des enfants de militaires, tuant 150 personnes, dont 134 écoliers.

La visite de M. Kerry intervient alors que les écoliers de Peshawar et de tout le Pakistan sont retournés lundi en classe, perturbés, pugnaces ou en toute innocence, pour la première fois depuis le raid taliban.

Le triangle USA-Pakistan-Afghanistan

En réaction à l'attaque de Peshawar, le Pakistan a intensifié ses raids contre les talibans locaux, levé son moratoire sur la peine de mort, approuvé la création de tribunaux militaires pour juger des affaires de terrorisme et s'est engagé à améliorer sa coopération antiterroriste avec son voisin afghan.

La coopération entre ces deux pays est jugée cruciale pour pacifier la région alors que la mission de combat de l'Otan, déployée depuis 13 ans en sol afghan, a plié bagages à la fin décembre, laissant les forces afghanes seules sur le terrain face à l'insurrection des talibans.

Au cours de ces entretiens avec le Premier ministre Nawaz Sharif et des responsables pakistanais, John Kerry doit aborder les relations pakistano-afghanes et le processus de réconciliation avec les talibans.

Afin de stabiliser son pays, le président afghan Ashraf Ghani a convié les talibans du mollah Omar à des pourparlers de paix, mais ceux-ci refusent pour l'heure un dialogue direct avec Kaboul. Or, le Pakistan, qui entretient des relations historiques avec les talibans afghans, est considéré comme un joueur clé pour un jour débloquer cette impasse.

Au cours de cette visite de deux jours, lundi et mardi, le chef de la diplomatie américaine doit aussi évoquer les soutiens, au sein de la mouvance djihadiste régionale, de l'organisation État Islamique (EI), qui a proclamé un califat sur une partie de la Syrie et de l'Irak.

Une dizaine d'ex-commandants talibans du Pakistan et de l'Afghanistan ont fait allégeance collectivement à l'EI, selon une vidéo diffusée ce weekend sur des forums djihadistes.

Après le Pakistan, M. Kerry doit notamment se rendre à Paris pour des entretiens avec les autorités françaises à propos des attaques qui ont fait 17 morts la semaine dernière.