Le parti du premier ministre japonais Shinzo Abe a remporté dimanche une large victoire aux élections législatives que le chef du gouvernement conservateur avait provoquées et transformées en référendum pour ou contre sa politique économique «abenomics».

Le mot «Abenomics» désigne la politique engagée par M. Abe de lutte contre la déflation dans laquelle le Japon est resté englué de longues années, et qui repose sur trois piliers : relance monétaire et budgétaire, consolidation des finances publiques et réformes structurelles.

Selon les résultats fournis par la chaîne de télévision publique NHK lundi à 1h35 locale (dimanche 11h35, heure de Montréal), le Parti libéral-démocrate (PLD, droite) a obtenu entre 290 et 292 des 475 sièges en jeu, contre 295 dans la précédente assemblée qui en comptait 480.

Il n'a pas réussi à franchir la barre rêvée des 300 sièges de la chambre basse, mais en conserve néanmoins plus des deux tiers (équivalent à 317 sièges) avec les 35 sièges (au moins) contrôlés par son allié centriste Nouveau Komeito, quatrième formation en nombre de députés.

La majorité des deux tiers de la chambre des députés permet de valider des lois même en cas de désaccord du Sénat, lequel est également aux mains du PLD.

La victoire de la formation de M. Abe ne constitue pas une surprise, tant l'opposition, divisée, était tout sauf en ordre de marche.

Prise au dépourvu par un scrutin qui, selon elle, n'avait pas de raison d'être, elle n'est pas parvenue à entamer la suprématie du PLD qui domine la vie politique nippone depuis six décennies, à quelques années près.

D'après la NHK, le Parti Démocrate du Japon (PDJ, centre gauche), deuxième formation du pays, a recueilli entre 73 et 75 sièges, ratant la barre des 100 espérée (contre 62 députés sortants), et le Parti de l'innovation arrive en troisième place avec au moins 39 sièges.

Près de 105 millions de Japonais étaient appelés à se rendre aux urnes.

Si M. Abe peut certes s'enorgueillir d'avoir remporté son pari, la participation que le scrutin a suscitée ternit quand même le tableau.

Jamais l'abstention - près de 48% - n'avait été aussi forte. Elle est d'environ 7 points supérieure à celle des législatives de décembre 2012, qui avaient déjà été boudées comme jamais par une population de plus en plus dépolitisée.

Parmi les premiers pays à réagir, les États-Unis ont salué dimanche la victoire électorale au Japon, prônant un renforcement de leur alliance avec Tokyo en termes stratégiques et économiques.

«L'alliance entre les États-Unis et le Japon est la pierre angulaire de la paix et de la prospérité en Asie Pacifique», a indiqué la Maison-Blanche dans un communiqué, se félicitant des «qualités de dirigeant» de M. Abe «sur un large éventail de sujets régionaux et mondiaux».

Abenomics : une victoire qui oblige

Le chef du gouvernement, lui-même réélu député dans la préfecture de Yamaguchi (ouest), avait parcouru environ 14 000 km à travers le pays pour faire campagne ces deux dernières semaines, écartant savamment du débat les sujets qui fâchent (relance des centrales nucléaires, réinterprétation de la Constitution pacifiste).

«La coalition a remporté la majorité, il lui appartient désormais de répondre aux attentes des électeurs avec humilité», a-t-il déclaré dimanche soir avec une modestie inhabituelle.

«Les élections législatives désignent la couleur de l'exécutif, et je pense que cette fois elles ont salué les performances du gouvernement Abe depuis deux ans», a-t-il poursuivi.

En dissolvant la chambre basse le mois dernier, il dit avoir voulu demander à la population son avis sur la poursuite de sa politique des «abenomics» censée redresser l'économie.

Depuis sa mise en oeuvre fin 2012, cette stratégie a dans un premier temps eu des effets positifs (baisse du yen, retour d'une inflation modérée et regain de croissance), mais elle s'est essoufflée ensuite et le Japon est retombé en récession au troisième trimestre de cette année.

Dans ce contexte, «la victoire va renforcer le capital politique de M. Abe et lui permettre de s'attaquer à des questions difficiles plus confortablement», a estimé Yoshinobu Yamamoto, professeur de sciences politiques à l'Université de Niigata.

«L'économie est la priorité, mais je veux aussi renforcer le rôle diplomatique du Japon et assurer sa sécurité», a répété le premier ministre.

«Nous pouvons amorcer un cercle vertueux grâce à l'augmentation des salaires avant la prochaine hausse de la taxe sur la consommation que j'ai reportée à avril 2017», a expliqué M. Abe sur NHK, renvoyant ainsi au secteur privé une partie de la tâche à accomplir.

Pour les économistes, la question-clef est de savoir s'il saura mettre en oeuvre les réformes structurelles promises, difficiles à réaliser, mais jugées indispensables pour relancer durablement l'activité du pays.