Une panne d'avion à Hawaï, un trajet «interminable» en voiture, un dîner coréen en 12 plats, de la propagande nord-coréenne pour seule lecture, le chef du renseignement américain James Clapper raconte sa mission secrète qui a permis la libération de deux Américains détenus en Corée du Nord.

Selon le site du Wall Street Journal, Pyongyang avait fait savoir aux États-Unis début novembre être prêt à recevoir une délégation américaine conduite par de hauts responsables américains pour discuter de la libération de Kenneth Bae et Matthew Todd Miller.

Dans les heures qui suivent, la Maison-Blanche décide d'envoyer M. Clapper après une réunion stratégique sur «quoi dire et quoi ne pas dire», a-t-il raconté au journal.

Parti de Washington la nuit du 4 novembre, il reste bloqué pendant un jour et demi à Hawaï, car son avion est tombé en panne.

Accueilli le 7 novembre par le ministre de la Sécurité de l'État, le général Kim Won Hong, il est embarqué avec sa poignée d'accompagnateurs pour un trajet «interminable» de 45 minutes en voiture.

La discussion «a démarré immédiatement avec M. Kim». «Ils s'attendaient à une grande avancée quelconque. Que j'allais leur offrir quelque chose d'important, une reconnaissance, un traité de paix, peu importe. Bien sûr, je n'étais pas là pour ça alors ils étaient déçus, c'est peu de le dire».

S'ensuit un dîner dans un restaurant --12 plats et près de 3 heures-- où les protagonistes abordent la géopolitique de la péninsule coréenne, et à l'issue duquel M. Clapper «présente la lettre du président» Barack Obama, écrite en anglais.

Elle le présentait comme un envoyé du président et qualifiait l'éventuelle libération des deux Américains de «geste positif», mais «aucune excuse».

Le lendemain, il reste confiné dans sa chambre pendant que le médecin qui l'accompagnait rend visite à MM. Bae et Miller. Avec pour seule lecture, deux magazines de propagande montrant des Nord-Coréens souriants cueillant des pommes et préparant des fruits de mer.

En milieu de journée, un responsable lui annonce qu'il a été «rétrogradé» et n'est plus considéré comme un envoyé de M. Obama. De ce fait, raconte-t-il, le gouvernement nord-coréen «ne peut plus garantir ma sécurité».

Trois heures plus tard, on l'informe que sa délégation a 20 minutes pour ranger ses affaires. Conduits dans un hôtel de luxe, ils se retrouvent devant des responsables du bureau du procureur tandis que les deux Américains, en tenue de prisonniers, sont escortés dans la salle.

«M. Kim s'est tourné vers moi et a dit qu'il espérait que nous pourrions dialoguer à l'avenir, mais pas au sujet des détenus», raconte M. Clapper, qui explique l'avoir remercié après s'être serré la main.

Sur la route vers l'aéroport, un jeune responsable nord-coréen exprime ses regrets concernant la séparation des deux Corées et demande s'il reviendra à Pyongyang.

«Je pense réellement que ça laisse place à l'optimisme», a confié M. Clapper.