Des milliers de manifestants convergeaient jeudi vers la capitale pakistanaise Islamabad pour un rassemblement sous haute surveillance de l'opposition qui exige la démission du premier ministre Nawaz Sharif.

La capitale avait des airs de ville en état de siège jeudi, les autorités ayant déployé 20 000 policiers et paramilitaires et placé des conteneurs sur les axes routiers stratégiques afin d'encadrer, ou contenir, la tenue de la «marche de la liberté».

Les partisans des opposants Imran Khan, ex-gloire du cricket reconverti dans la politique, et Tahir ul-Qadri, un chef religieux pakistano-canadien, ont quitté en début d'après-midi la ville de Lahore (est) pour se rendre en autocars, motos et voitures, vers Islamabad, où ils sont attendus en soirée.

Les autorités avaient au début interdit la marche et assigné à résidence M. Qadri, mais ont finalement fait marche arrière, autorisant le départ des manifestants vers Islamabad y compris de chef politico-religieux canadien.

Au coeur du différend entre ces deux ténors de l'opposition et le gouvernement: le résultat des élections législatives de mai 2013 ayant porté au pouvoir Nawaz Sharif.

Le parti de la Justice (PTI) d'Imran Khan, qui avait terminé en troisième place lors de ce scrutin, dénonce des fraudes électorales massives. Le Mouvement du peuple du Pakistan (PAT) de Tahir ul-Qadri avait quant à lui boycotté les élections craignant des fraudes.

MM. Qadri et Khan exigent désormais la démission du premier ministre à l'issue de ces manifestations programmées le jour même du 67e anniversaire de l'indépendance du Pakistan, baptisée le «jour de liberté».

«Aucun pharaon ne vous donnera la liberté sur un plateau d'argent. C'est à vous de la saisir», a déclaré Imran Khan à ses partisans réunis à Lahore, peu avant le début de la marche. «Si vous réussissez, la justice règnera sur le Pakistan et le monde entier respectera (notre) passeport vert», a-t-il ajouté.

Un gouvernement contesté

Dans l'espoir de résoudre cette crise politique, le premier ministre Sharif s'était engagé mardi à établir une commission indépendante formée de juges de la Cour suprême pour enquêter sur ces allégations de fraudes.

Mais cette proposition a été rejetée par Imran Khan et Tahir ul-Qadri qui, en demandant le départ du gouvernement, sont ainsi accusés de jouer le jeu de l'armée, ou du moins d'une partie des puissants services de renseignement, dans ce pays abonné aux coups d'État.

Selon des analystes, l'armée cherche ainsi à faire pression sur M. Sharif avec lequel elle a de nombreux différends, notamment concernant les procès pour «haute trahison» contre l'ex-général Pervez Musharraf, sans vouloir la chute de son gouvernement.

D'ailleurs, le premier ministre Nawaz Sharif a rencontré jeudi le chef de l'armée Raheel Sharif lors d'une cérémonie entourant les célébrations de l'indépendance de ce pays musulman de plus de 180 millions d'habitants.

Mais beaucoup craignent néanmoins de voir la joute politique entre l'opposition et le gouvernement tourner à un affrontement sanglant.

«Il y a un réel danger de violence et d'un bain de sang», a déclaré à l'AFP l'analyste politique Imtiaz Gul. «La situation est volatile», résume de son côté une source diplomatique occidentale.

Des affrontements fin juin entre la police et des partisans de M. Qadri avaient déjà fait au moins une dizaine de morts à Lahore.

«Nous allons tenir une marche complètement pacifique, le gouvernement sera le seul responsable, s'il y a des violences», a soutenu cette semaine M. Qadri dont des partisans ont toutefois été aperçus à Lahore avec des battes de baseball et des boucliers.

Preuve s'il en est de la nervosité du gouvernement face à ces manifestations, les autorités ont annoncé avoir arrêté au cours des derniers jours plus de 1000 partisans de MM. Qadri et Khan pour «incitation à la violence».

Photo Arif Ali, AFP

Les autorités avaient au début interdit la marche et assigné à résidence Tahir ul-Qadri (ci-dessus), un chef religieux pakistano-canadien.