La purge lancée en Chine au sein du Parti communiste (PCC) contre les fonctionnaires corrompus détourne de Hong Kong et Macao l'élite chinoise qui y dépense des fortunes mais craint désormais l'inquisition de Pékin.

Le président Xi Jinping, au pouvoir depuis fin 2012, a lancé une vaste campagne anti-corruption sous le mot d'ordre «combattre les mouches et les tigres», c'est-à-dire les petits comme les grands fonctionnaires corrompus.

La disgrâce de plusieurs membres éminents du PCC, dont certains ont été jetés en prison, a provoqué une onde de choc parmi l'élite contrainte à une frugalité à laquelle elle n'était plus habituée.

Soucieux de ne pas attirer l'attention de Pékin, les Chinois fortunés préfèrent se serrer la ceinture en attendant que passe l'orage, ou à tout le moins de se tenir dans l'ombre lorsqu'ils font sauter les bouchons de champagne...

À Hong Kong et Macao, «Mecques» du luxe et des jeux d'argent envahies de Chinois dispendieux, l'activité se ressent de la croisade du président Xi, selon les experts.

«La campagne anti-corruption ne montre aucun signe de ralentissement. Elle suscite une grande inquiétude à travers le pays et de nombreuses personnalités sont beaucoup plus prudentes dans leurs dépenses», estime Steve Vickers, un ancien super flic de Hong Kong passé au privé.

Macao, capitale mondiale des casinos loin devant Las Vegas en termes de chiffre d'affaires, a vu ses revenus diminuer pour la première fois depuis la crise financière de 2008.

Selon l'autorité de contrôle des casinos, les revenus du secteur ont baissé de 3,7% en juin sur un an, puis de 3,6% en juillet. La déprime est manifeste chez les clients «VIP» qui achètent un séjour clé en main pour quelques dizaines de milliers de dollars.

Or «rien ne semble indiquer qu'une reprise du segment VIP est imminente», avertissent les analystes Grant Govertsen et Felicity Chiang.

Ventes de bijoux en berne

«Au contraire, la campagne anticorruption en RPC (République populaire de Chine) semble s'accélérer et s'élargir, ce qui devrait maintenir une pression, indirecte, sur le segment des VIP», prédisent-ils.

Ralentissement économique en Chine, défiance - pour ne pas dire plus - des Hongkongais à l'endroit des Chinois du «continent», campagne anticorruption: à Hong Kong, les ventes de détail sont elles aussi en berne.

Les ventes de bijoux, de montres et autres articles de luxe souvent offerts en cadeaux en Chine ont décliné de 28,2% en juin, selon des chiffres officiels.

«En cette période délicate, vous évitez de dépenser sans compter et d'attirer l'attention même si cet argent est le vôtre», avance David Ji du cabinet immobilier Knight Frank.

La tendance se vérifie également en RPC. Le marché des jets privés se ralentit, les magnats diffèrent l'acquisition de leur premier yacht, les amateurs de bonnes bouteilles se mettent à l'eau.

«Le marché des vins d'importation haut de gamme a commencé à faiblir il y a deux ans. On en ressent toujours les effets aujourd'hui», déplore John Watkins, directeur de ASC Wines, un des grands importateurs en Chine. Les ventes des grands crus millésimés aux fonctionnaires chinois ont chuté de 80 à 90%, selon lui.

Les marques de luxe européennes dont raffolent les Chinois font également grise mine. Le groupe Rémy Cointreau a vu début août sa note de solvabilité abaissée par l'agence Standard and Poor's en raison de la baisse tendancielle des ventes de cognac en Chine.

Pour échapper à l'oeil de Pékin, les Chinois argentés sont enclins à faire du magasinage de plus en plus loin, en Europe par exemple.

«Hong Kong et Macao n'ont plus le monopole du luxe. Les Chinois trouvent d'autres endroits où ils sont moins surveillés», avance Steve Vickers.