Aux cris d'une femme qui hurle dans une fourgonnette fermée, peu de passants réagissent : l'expérience a été menée à New Delhi, au moment où l'Inde est confrontée à une nouvelle série de viols et de meurtres.

La vidéo de cette expérience a été postée sur YouTube et illustre une forme d'apathie persistant en Inde envers les violences subies par les femmes, selon les militants des droits des femmes et les experts.

«Il existe encore une large indifférence envers ce qui arrive aux femmes, une insensibilité à cette question, même si les attitudes changent», estime une militante, Ranjana Kumari.

La vidéo a été vu 1,2 million de fois depuis sa mise en ligne la semaine passée et montre une camionnette blanche aux vitres foncées, garée dans une zone reculée de la capitale indienne. De l'intérieur, proviennent les hurlements d'une femme, mais plusieurs passants et cyclistes ne s'arrêtent pas, certains écoutent puis repartent tranquillement.

Finalement, un jeune homme tente d'ouvrir le véhicule, visiblement bouleversé par ce qui est en train de se produire. Un vieil homme tente également d'agir en tapant la carrosserie avec un bâton.

La vidéo a été postée par un groupe nommé «YesNoMaybe» et qui explique mener une expérience sociale, quelques jours après le viol en réunion de deux adolescentes retrouvées pendues dans un village de l'État de l'Uttar Pradesh.

Ce crime a suscité de petites manifestations et déclenché une polémique sur l'inaction du gouvernement de cet État du nord de l'Inde.

Le viol en réunion, particulièrement barbare, subi à New Delhi par une étudiante fin 2012, décédée de ses blessures, avait déclenché une indignation générale en Inde et un durcissement de la loi.

Le groupe qui a mis en ligne la vidéo ne tire pas de conclusion de son expérience.

«Nous entendons parler de viols chaque jour en Inde, qui ont conduit à de larges manifestations», indique-t-il dans un message. «Nous avons donc décidé de voir combien de personnes aideraient quelqu'un en difficultés».

Pour Kumari, nombre de passants ont pu craindre d'être pris dans une longue enquête policière ou même soupçonnés, dans un pays où le système judiciaire est réputé pour ses failles.

«En outre, il existe encore cette croyance selon laquelle la femme doit avoir fait quelque chose pour mériter une telle agression», estime la directrice du Centre for Social Research de New Delhi.

Le sociologue Shiv Visvanathan est réticent à tirer une conclusion d'une telle expérience, mais relève que nombre de passants craignent d'être eux-mêmes agressés.

En outre, la capitale indienne attire des millions de jeunes hommes en quête de travail et venus de zone rurale. Conséquence, «il n'y a pas de sentiment d'appartenance à une communauté dans de nombreux quartiers de Delhi qui inciterait à s'organiser pour que de telles attaques cessent», dit-il.