L'assaut mené par des insurgés contre le principal aéroport du Pakistan symbolise l'échec des tentatives de paix du gouvernement avec les talibans, selon les analystes, tandis que des milliers de personnes fuyaient les zones tribales, redoutant l'imminence d'une opération terrestre de l'armée.

Les États-Unis ont proposé leur aide au Pakistan dans l'enquête sur cette attaque, menée par un commando taliban à l'aéroport de Karachi et qui a fait trente morts, selon le bilan officiel publié lundi.

Washington a proposé «son aide aux autorités pakistanaises pour enquêter sur ce crime», a déclaré Marie Harf, porte-parole adjointe du département d'État sans être en mesure de préciser si Islamabad avait accepté cette offre.

L'assaut, qui avait démarré vers 23h00 locale dimanche soir et s'est achevée douze heures plus tard, a été revendiqué par le Mouvement des talibans du Pakistan (TTP), principal groupe rebelle du pays et proche d'Al-Qaïda.

Les talibans du TTP ont annoncé par la voix de leur porte-parole, Shahidullah Shahid, avoir mené cette attaque pour «venger la mort de Hakimullah Mehsud», leur chef tué en novembre dernier par un tir de drone américain dans leurs bastions rebelles du nord-ouest.

Ces repaires sont notamment les zones tribales frontalières de l'Afghanistan, à commencer par le Waziristan du Nord. Les alliés occidentaux du Pakistan n'ont cessé ces dernières années de l'appeler à intervenir militairement pour y éradiquer les repaires islamistes.

Mais le gouvernement s'y est jusqu'ici refusé, par peur des attentats chez lui en représailles mais aussi parce que la zone est stratégique en raison de son influence dans l'Afghanistan voisin.

Redoutant toutefois l'imminence d'une opération terrestre des forces gouvernementales dans le Waziristan du Nord, plus de 2 .000 personnes y ont quitté leurs foyers au cours des tout derniers jours, selon un responsable gouvernemental à Peshawar, la principale ville du nord-ouest.

L'attaque des talibans sur l'aéroport confirme, comme c'était son but, la fragilité de la situation sécuritaire au Pakistan et les défaillances de l'État en la matière, y compris sur ses sites les plus stratégiques, donc en principe les plus sécurisés.

D'autres attaques à attendre 

Karachi est la plus grande ville et capitale économique du pays et n'avait pas connu d'attaque rebelle si spectaculaire contre des institutions étatiques depuis plusieurs années.

Le TTP a déclaré la «guerre sainte» au gouvernement d'Islamabad en 2007 pour dénoncer son alliance avec les États-Unis, et les innombrables attaques du mouvement et de ses alliés ont tué depuis plus de 6000 personnes à travers le pays.

Son porte-parole Shahidullah Shahid en a profité pour dénoncer les tentatives de pourparlers de paix avec le TTP initiées par le gouvernement et actuellement dans l'impasse, jugeant qu'il s'agissait d'un leurre visant in fine à neutraliser les talibans.

La proposition de paix gouvernementale lancée fin janvier n'a pas empêché la poursuite des violences rebelles, avec une trentaine d'attaques qui ont fait depuis plus de 300 morts, selon un décompte de l'AFP.

Dans son communiqué de lundi, le TTP se dit toutefois toujours prêts à de futures négociations avec le gouvernement.

Pour l'analyste pakistanaise Hasan Askari, spécialiste des questions de sécurité, la situation révèle l'impasse de la tactique d'attente actuelle du Premier ministre Nawaz Sharif.

D'un côté, «il n'est pas prêt, ni psychologiquement ni idéologiquement à attaquer les rebelles de front», et de l'autre, «s'il insiste trop sur la paix, il se créera des problèmes avec l'armée» qui reste l'institution la plus puissante du pays, a-t-il estimé.

Pour un autre analyste spécialiste des questions de sécurité, le général à la retraite Talat Masood, les rebelles «ont la capacité de mener d'autres attaques similaires à l'avenir» et le gouvernement doit enfin, pour les éviter, «lancer avec fermeté une opération militaire d'ampleur dans leurs repaires».

Karachi, incontrôlable monstre urbain de 18 millions d'habitants, est également considéré comme l'un des principaux refuges clandestins du TTP dans le pays. En 2011, le TTP y avait attaqué une base navale, détruisant deux avions et tuant dix membres du personnel au cours d'un siège qui avait duré 17 heures.