Le chef de la junte militaire ayant pris le pouvoir depuis quelques jours en Thaïlande a reçu lundi l'approbation du roi, et menacé de réprimer toute nouvelle contestation de son autorité dans la rue.

Le général Prayut Chan-O-Cha est apparu à la télévision en uniforme blanc, s'agenouillant devant un portrait du roi Bhumibol lors d'une cérémonie organisée au quartier général de l'armée, devenu le siège du pouvoir.

Considéré comme le ciment de cette Nation très divisée politiquement, le roi, âgé de 86 ans, à la santé fragile après avoir été longtemps hospitalisé, vit dans son palais de Hua Hin, station balnéaire au sud de Bangkok, et apparaît peu en public, prenant encore plus rarement la parole.

«Afin de restaurer la paix et l'ordre, et pour le bien de l'unité du pays, le roi a nommé le général Prayut Chan-O-Cha», qui aura pour mission «d'administrer le pays à partir de maintenant», dit l'ordre du palais lu lors de la cérémonie.

Juste après cette cérémonie, le général Prayut a averti les opposants au coup d'État qu'il ne tolèrerait plus aucune manifestation, et ce dès lundi.

Criant «dehors» et arborant des banderoles «Stop au coup», un millier de Thaïlandais avaient bravé dimanche l'interdiction de manifester décrétée par la junte dès jeudi dernier, entre autres restrictions aux libertés civiques.

«Je demande (aux manifestants) de cesser leurs actions, car cela leur fera du mal, ainsi qu'à leur famille, car la loi est stricte maintenant», a menacé le général Prayut lors de sa première conférence de presse depuis sa prise de pouvoir.

«Est-ce que je dois avoir peur?», s'est indignée une Thaïlandaise interrogée par l'AFP sur le chemin d'une manifestation prévue en fin d'après-midi au Monument de la Victoire, dans le centre Bangkok.

«Je me fais du souci pour ma famille, mais je veux quand même me battre», a-t-elle ajouté, sous couvert de l'anonymat.

L'approbation royale, vitale

La junte peut désormais s'appuyer sur l'approbation royale pour affirmer sa légitimité.

«Les militaires ont besoin d'une approbation royale explicite», dans ce pays où le roi a un statut de demi-dieu, a analysé Paul Chambers, politologue américain.

Traditionnellement, les prises de pouvoir par l'armée s'y font avec l'aval du palais, selon les experts.

En sept mois de manifestations organisées par l'opposition avant la prise de pouvoir par l'armée, 28 personnes ont été tuées, la plupart dans des tirs et jets de grenade d'origine inconnue en plein Bangkok.

La situation reste fébrile depuis le coup d'État, le 19e putsch, réussi ou raté, depuis l'instauration de la monarchie constitutionnelle en 1932.

Le nouveau régime a dissous le Sénat samedi, conservé jusqu'alors malgré la suspension de la Constitution, et confié l'autorité législative au général Prayut, qui concentre ainsi désormais tous les pouvoirs.

Et depuis dimanche, le crime de lèse-majesté et celui de «menace à la sécurité du royaume» relèvent des tribunaux militaires, sans possibilité d'appel.

Cela concerne notamment toute critique «du roi, de la reine, des héritiers et des régents», a précisé l'armée, alors que la Thaïlande possède déjà une des lois de lèse-majesté les plus strictes au monde.

Plusieurs Thaïlandais critiques de cette loi, qui contribue à rendre taboue la question de la royauté, purgent déjà d'importantes peines de prison.

Yingluck libérée?

L'ex-première ministre Yingluck Shinawatra, détenue par les militaires depuis vendredi, aurait été libérée selon les propos d'une assistante de l'ex-dirigeant, recueillis par l'Associated Press. 

La junte a placé en détention de nombreuses personnalités politiques, en particulier l'ex-première ministre, soeur de Thaksin Shinawatra, ancien chef de gouvernement chassé du pouvoir par un précédent putsch en 2006 et qui reste malgré son exil le facteur de division du pays.

Le sort de plusieurs d'entre eux restait peu clair lundi, notamment celui des responsables politiques emmenés sous escorte hors de la table des négociations convoquées par l'armée juste avant le coup d'État.

Suthep Thaugsuban, le meneur des manifestants contre le gouvernement déchu, poursuivi notamment pour insurrection, a été libéré sous caution lundi. Soutenu par l'élite traditionnelle proche du palais selon les analystes, il avait manifesté pendant sept mois dans Bangkok.

L'armée a prévenu que Yingluck et d'autres personnalités détenues pourraient n'être relâchés qu'au bout d'une semaine, soit jeudi. Et ce sans charges, en raison de la loi martiale en vigueur.

La situation de Yingluck n'était pas claire lundi. «Nous nous occupons d'elle. Elle va bien. Elle peut choisir de rester où elle veut», a indiqué à l'AFP le général Thirachai Nakwanich, commandant de l'armée dans la région centre.

Outre Yingluck, plus de 200 personnalités politiques ou universitaires ont été convoquées par le régime, qui n'a pour l'heure pas révélé l'ampleur des détentions.