La Russie et la Chine ont annoncé hier la conclusion d'un important contrat gazier qui survient alors que Moscou est menacé de nouvelles sanctions en raison de son rôle dans la crise ukrainienne.

Le président russe Vladimir Poutine, en visite à Shanghai, s'est félicité du fait que les deux pays aient réussi à trouver une solution «satisfaisante» après de longues années de discussion.

Il avait affirmé la veille, dans les médias chinois, que «ce ne serait pas une exagération de dire que la coopération» entre les deux États était à «un niveau historiquement sans précédent».

L'entente en question prévoit que la firme Gazprom exportera jusqu'à 38 milliards de mètres cubes de gaz naturel par année à la China National Petroleum Corporation (CNPC) à compter de 2018.

L'annonce de l'accord, en présence du président russe et de son homologue chinois Xi Jinping, constitue «une victoire diplomatique importante» pour Moscou, estime le politologue Yann Breault, de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

«C'est très important pour Vladimir Poutine de montrer qu'il ne craint pas la perspective d'être isolé à l'ouest» en raison du dossier ukrainien, commente l'analyste.

Il faut cependant garder en tête, pour relativiser les choses, que les exportations de gaz vers la Chine mettront plusieurs années à se concrétiser et ne représentent que le quart du volume actuellement exporté vers l'Europe, relève M. Breault.

«Le moment politique est crucial. Vladimir Poutine va se retrouver en position de force face à l'Union européenne» sur la question des sanctions et de l'approvisionnement gazier, juge de son côté le professeur Gérard Hervouet, de l'Université Laval. Il estime que la Chine a probablement fait «le plus beau coup» en profitant de la situation pour obtenir du gaz russe au rabais.

L'entourage du président Poutine s'est empressé hier de souligner l'importance politique de l'entente. Le parlementaire Alexeï Poushkov a souligné sur Twitter que la Russie ne peut être isolée et a appelé plus particulièrement le président américain Barack Obama à renoncer aux pressions en ce sens.

Son appel est survenu alors que Washington faisait une nouvelle mise en garde à Moscou, à quelques jours de la tenue en Ukraine d'une élection présidentielle à haut risque. Le vice-président américain Joe Biden a souligné que les États-Unis étaient disposés à imposer des «coûts supplémentaires» à la Russie en cas d'ingérence dans le scrutin et a pressé «tous les pays à user de leur influence» pour assurer un «climat stable» lors du vote.

La Chine est aussi engagée dans un bras de fer à distance avec Washington, qui se voit notamment reprocher d'intervenir dans la région pour freiner les ambitions territoriales de Pékin.

Le président Barack Obama a irrité les dirigeants chinois en donnant récemment son appui au Japon dans leur différend sur les îles Senkaku, revendiquées à la fois par la Chine et le Japon.

Le gouvernement chinois a parallèlement fait monter la tension d'un cran dans la région en déplaçant une plateforme de forage à proximité d'un archipel revendiqué par le Viêtnam en mer de Chine méridionale. D'importantes manifestations antichinoises ont eu lieu à la suite de cette initiative.

L'exercice naval commun mené par la Chine et la Russie en marge du sommet tenu à Shanghai témoigne aussi du fait que les deux pays sont déterminés à collaborer pour contrer l'influence américaine dans la région, note M. Breault.

Cette «solidarité» a cependant des limites, note l'analyste, qui ne s'attend pas à voir Moscou prêter main-forte militairement à la Chine advenant le déclenchement d'un conflit «à haute intensité» en mer de Chine méridionale.

Gérard Hervouet note, dans la même veine, qu'il faut éviter de conclure à la mise en place d'une véritable «alliance sino-russe» à la lumière des derniers développements.

Les deux pays s'entendent, quoi qu'il en soit, sur le fait qu'il leur faut absolument se «démarquer» devant la puissance américaine et ont envoyé hier «le message aux États-Unis que le monde est multipolaire et non unipolaire», relève l'analyste.

____________________

EN CHIFFRES


400 milliards: Valeur estimée, en dollars, du contrat gazier d'une durée de 30 ans annoncé hier par la Chine et la Russie

55 milliards: Investissement russe prévu, en dollars, pour mettre en place l'infrastructure requise pour acheminer le gaz vers la Chine

Source: Reuters