Le nationaliste hindou Narendra Modi, futur premier ministre de l'Inde, a célébré vendredi la victoire écrasante de son parti aux législatives en s'engageant à «réaliser les rêves» du peuple indien et à faire du XXIe siècle «le siècle de l'Inde».

Les résultats provisoires officiels donnaient la majorité au Parlement pour le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) de M. Modi, une première depuis 30 ans pour un parti sans alliances.

Selon les chiffres de la Commission électorale, le BJP l'a emporté dans 274 circonscriptions, sur un total de 543, et était en tête dans huit autres où le comptage n'était pas encore achevé.

Narendra Modi, fils d'un vendeur de thé de 63 ans au passé controversé, a assuré qu'il travaillerait pour tous les Indiens dans un premier discours devant ses partisans enthousiastes dans sa circonscription du Gujarat (ouest).

«La fièvre de l'élection est retombée, le peuple a donné son verdict et nous dit que nous devons faire avancer l'Inde pour réaliser les rêves des 1,2 milliard d'Indiens», a-t-il déclaré à Vadodara.

«Je veux faire du XXIe siècle le siècle de l'Inde. Cela prendra 10 ans, pas très longtemps», a-t-il promis.

Il a également promis de faire de la bonne gouvernance et du développement économique la pierre angulaire de son gouvernement, offrant un contraste notoire avec la politique du parti du Congrès vaincu qui a mis l'accent sur les programmes sociaux, au détriment, selon lui, de la croissance.

Les résultats provisoires dépassent toutes les prévisions des sondeurs. Dans tout le pays, les festivités battaient leur plein depuis le matin dans les bureaux du BJP.

Le vainqueur des législatives a par ailleurs accepté l'invitation du premier ministre britannique David Cameron au Royaume-Uni où le dirigeant nationaliste hindou fut longtemps persona non grata.

Ce triomphe du BJP remodèle le paysage politique indien, transformant le parti nationaliste hindou en puissance politique nationale au détriment d'un parti du Congrès de la dynastie Gandhi-Nehru réduit à la portion congrue, cuisant revers pour une formation habituée à diriger le pays.

«C'est l'aube d'une nouvelle ère. Le lotus a éclos dans toute l'Inde», a déclaré le président du BJP, Rajnath Singh, faisant allusion au symbole du parti.

Les attentes sont fortes au sein de la population indienne qui veut croire que le nouvel homme fort de l'Inde pourra reproduire les recettes économiques testées dans son État du Gujarat, qu'il dirige depuis 2001.

M. Modi a monopolisé l'attention pendant toute la campagne électorale, s'engageant à incarner un pouvoir fort à même de relancer l'économie indienne tout en gommant son passé de leader nationaliste hindou controversé.

Le dirigeant du BJP est regardé avec méfiance par la minorité musulmane depuis les émeutes de 2002 dans le Gujarat.

À l'opposé, le parti du Congrès sort usé par dix ans de pouvoir, des scandales de corruption à répétition et puni pour son incapacité à relancer la croissance et à juguler l'inflation.

«La victoire et la défaite font partie intégrante de la démocratie (...). J'endosse la responsabilité de cette défaite», a déclaré à la presse Sonia Gandhi, présidente du parti.

Le premier ministre Manmohan Singh, qui avait estimé en janvier que M. Modi serait une «catastrophe pour le pays» a appelé au téléphone son probable successeur pour le féliciter.

Économie, une tâche gigantesque 

Les marchés boursiers indiens, après avoir bondi dans la matinée dans la perspective d'une nette victoire de M. Modi, ont fini en légère hausse après avoir augmenté de 5 % depuis le début de semaine.

Les investisseurs font preuve d'un optimisme, que certains jugent exagéré, sur sa capacité à sortir l'Inde de ses difficultés: infrastructures défaillantes, inflation galopante, etc.

«Il a devant lui une tâche gigantesque qui va prendre du temps car les problèmes économiques sont vraiment énormes. Il n'a pas de baguette magique», a estimé D.K. Joshi, chef économiste de l'agence de notation Crisil, auprès de l'AFP.

Les grands industriels du pays soutiennent le dirigeant du BJP en raison du bon accueil reçu par les entreprises sur ses terres du Gujarat tandis que son ascension sociale a convaincu une partie de la population qu'il pourrait incarner un pouvoir fort et efficace.

Au-delà des nationalistes hindous, M. Modi a réussi à rallier une partie des plus pauvres qui votaient traditionnellement pour le Congrès et ses programmes sociaux.

«Modi est arrivé au bon moment, alors que la population est gagnée par le désespoir», estime Mohan Guruswamy, du think-tank Centre for Policy Alternatives.

Sa nette défaite devrait chambouler le Congrès et poser la question de la capacité de la famille Gandhi à diriger le pays. À 43 ans, Rahul Gandhi a conduit une campagne jugée terne, et les résultats préliminaires ne lui donnaient qu'une faible avance dans sa circonscription.

L'arrivée de M. Modi au pouvoir constitue un changement radical pour les grands pays occidentaux qui ont boycotté le dirigeant indien pendant près de dix ans après les émeutes ayant ensanglanté le Gujarat en 2002.

Plus de 1000 personnes ont été tuées dans ces émeutes, essentiellement des musulmans. M. Modi a été accusé d'avoir encouragé les violences.

Le président américain Barack Obama a appelé M. Modi pour le féliciter et l'a invité à Washington, déclarant vouloir «travailler étroitement» avec lui.

Le secrétaire d'État américain John Kerry a également félicité M. Modi, assurant «attendre avec impatience de travailler» avec lui.

Le président français François Hollande a salué «le remarquable déroulement des élections» et «l'exceptionnelle vitalité de la démocratie indienne».

Le Pakistan, voisin et rival de l'Inde, a félicité M. Modi pour sa «victoire impressionnante» tandis que le premier ministre britannique David Cameron a téléphoné au dirigeant indien pour le féliciter.

Pendant la campagne, Modi s'est abstenu de mettre en avant les revendications nationalistes les plus radicales du programme du BJP.