«Je commence à chercher et touche un mur. Je tâtonne contre le mur et j'avance. Je sens un corps». Pendant trois semaines, un plongeur a exploré les eaux froides et noires du traversier coréen Sewol qui a sombré avec des centaines de personnes à bord. Pour tenir le coup, il écrivait un journal.

Son récit brosse un tableau poignant des souffrances physiques et et psychologiques endurées par les plongeurs, qui ont récupéré des dizaines de corps, la plupart d'adolescents en voyage scolaire, piégés dans les cabines du bateau.

L'optimisme du début, lorsque les secouristes pensent encore pouvoir trouver des rescapés réfugiés dans des trous d'air, laisse peu à peu la place à un constat désespéré: les seuls survivants sont ceux qui sont parvenus à quitter le traversier lors du naufrage, le 16 avril au matin.

«Je n'ai qu'une seule idée en tête: trouver quelqu'un, vivant», indique le journal le 19 avril.

Sur les 476 personnes à bord, 325 étaient les étudiants d'un établissement du sud de Séoul, en voyage scolaire vers l'île de Jeju (sud). Seuls 45 jeunes ont survécu.

L'auteur du journal a été embauché par une entreprise de secours sous-marin, Undine Marine Industry, spécialement pour cette opération. Son contrat de travail lui interdit de s'exprimer dans les médias.

Des extraits de son journal ont été publiés par Kookje Shinmun, un quotidien de Busan (sud), sous le pseudonyme «Mr. B».

Le 22 avril, il comprend qu'il ne cherche plus des rescapés, mais des corps, même si des centaines de proches des disparus attendent sur la rive de l'île la plus proche, accrochés à l'espoir d'un miracle.

«Qu'avons-nous fait à ces enfants?», écrit l'homme. «Désolé. Désolé. Désolé».

Le parent d'un enfant dont il a récupéré le corps le remercie. «Je ne mérite pas cette gratitude».

«Nous reprenons notre remontée» 

Les équipes des secouristes plongent de plus en plus profond au sein de l'épave et chaque jour apporte un nombre de cadavres supérieur à la veille.

Les autorités et les familles font pression pour accélérer les opérations. Les écrits du plongeur racontent les conditions de travail éprouvantes, avec une visibilité quasi nulle, à travers des couloirs et des cabines encombrés et submergés dans une eau boueuse.

«La torche ne sert quasiment à rien», raconte-t-il. Avec son partenaire de plongée, ils fixent des cordes pour se guider au sein des couloirs du traversier, à quelque 40 mètres de profondeur. «La visibilité est tellement mauvaise qu'il vaut mieux fermer les yeux et se guider avec les mains».

Dans une cabine, le plongeur heurte un gros objet flottant. Un bras, attaché à un corps. Il l'arrime puis tire sur sa corde, un signal pour demander à l'équipe de surface de les remonter.

«Nous nous retrouvons coincés au passage d'une porte. Je leur demande d'arrêter de tirer. Je passe la porte puis je tire doucement le corps avec moi. Nous reprenons notre remontée».

Il retourne à la cabine, dont il pense qu'elle contient d'autres cadavres. L'équipage avait donné pour instruction aux passagers de revêtir leur gilet de sauvetage, mais de ne pas bouger de leur siège ou de leur lit.

Avec sa main, il repère un nouveau corps, coincé sous une banquette. «Je sens le bras, puis la tête, puis le torse».

«Il n'y a pas assez d'espace. C'est dur de le dégager de là et je n'ai plus beaucoup de temps de plongée». Il évacue des débris, des sacs, pour nettoyer l'espace confiné de la cabine. «C'est encore trop étroit. Mais je parviens à attraper des vêtements derrière le cou, je tire, et le corps vient vers moi».

Sur les dizaines de plongeurs participant à ces opérations - qui pourraient s'achever ce week-end -, 24 ont été traités pour blessures ou accidents de décompression. Un est mort cette semaine.