Les dirigeants des îles Marshall espèrent, grâce à la justice internationale, forcer la main des puissances nucléaires de la planète en vue d'obtenir «enfin» la destruction complète des stocks d'armes existants.

La petite république, site de plusieurs essais nucléaires américains dans les années 40 et 50, a déposé la semaine dernière devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye des requêtes contre neuf pays détenteurs de la bombe atomique qui se voient accusés de bafouer de manière «flagrante» leurs obligations internationales en refusant d'éliminer leur arsenal.

«Dommages irréparables»

«Notre population a subi les dommages irréparables et catastrophiques causés par ces armes et nous nous engageons à nous battre pour faire en sorte que plus personne à l'avenir ne subisse de telles atrocités», a déclaré dans un communiqué le ministre des Affaires étrangères des îles Marshall, Tony de Brum.

Les requêtes devant la CIJ ciblent cinq pays signataires du Traité de non-prolifération (TNP), soit les États-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine, qui sont tenus dans ce cadre de négocier des mesures permettant de cesser la course à l'armement nucléaire «à brève échéance» et de désarmer sous contrôle international.

Les documents déposés devant le tribunal affirment que les autres pays possédant l'arme atomique - le Pakistan, l'Inde, la Corée du Nord et Israël - sont aussi obligés d'agir en ce sens.

Réduction des stocks

Un bilan publié l'année dernière dans le Bulletin of the Atomic Scientists indique que les stocks d'armes nucléaires ont sensiblement diminué depuis l'entrée en vigueur du TNP au début des années 70 mais que «tous les pays» qui en possèdent aujourd'hui continuent à «les moderniser et les améliorer».

Un avis corroboré par le panel de spécialistes appuyant la démarche des îles Marshall, qui reprochent notamment aux États-Unis de «développer des armes nucléaires avec de nouvelles caractéristiques militaires qui peuvent être déployées pour une période additionnelle de 30 ans ou plus».

En 1996, la CIJ avait statué que le TNP impose non seulement aux pays détenteurs de l'arme atomique de négocier «de bonne foi» pour en arriver à désarmer mais les soumet en plus à une «obligation de résultat» à ce sujet.

Le tribunal international a fait savoir vendredi qu'il avait accueilli les requêtes des îles Marshall ciblant la Grande-Bretagne, l'Inde et le Pakistan, qui reconnaissent sa compétence pour chapeauter le dossier. Celles qui ciblent les autres pays ne seront traitées que si les gouvernements concernés donnent leur aval à une telle procédure.

Les États-Unis risquent de devoir rendre des comptes quoi qu'il advienne puisque les îles Marshall ont aussi introduit une requête du même type devant un tribunal californien.

John Burroughs, qui dirige le Lawyers Committee on Nuclear Policy, une organisation new-yorkaise soutenant la démarche des îles Marshall, pense qu'un jugement critique de la CIJ aurait un effet «très puissant» et accélérerait le processus de désarmement.

«Une large majorité de pays estime que ce qui a été fait jusqu'à maintenant par les États détenant l'arme atomique n'est tout simplement pas suffisant», relève-t-il en entrevue.

Les îles Marshall demandent notamment que les puissances nucléaires soient tenues, dans l'année suivant le jugement de la CIJ, de lancer des discussions multilatérales pour parvenir à un désarmement complet.

David contre 9 Goliath

David Krieger, un militant de la côte ouest américaine qui agit comme consultant dans le dossier, parle de la bataille juridique à venir comme d'un affrontement entre «David et les neuf Goliath nucléaires».

Son résultat, dit-il, sera crucial pour permettre à la population de la planète de vivre enfin à l'abri «d'une catastrophe nucléaire due à une défaillance humaine ou à la malveillance».

Source: Bulletin of the Atomic Scientist