Le président américain Barack Obama a entamé mercredi par le Japon une tournée en Asie, sans étape chinoise, durant laquelle il va devoir louvoyer entre des écueils historiques et géopolitiques régionaux qui compliquent singulièrement les ambitions américaines dans la région.

L'avion Air Force One s'est posé peu avant 19H00 (06H00 à Montréal) à l'aéroport de Tokyo Haneda. M. Obama en a descendu les marches avec entrain, avant d'être accueilli par l'ambassadeur américain à Tokyo, Mme Caroline Kennedy, et des responsables japonais.

Japon, Corée du Sud, Malaisie et Philippines sont au programme de ce voyage compliqué pour le président américain qui avait dû annuler une précédente tournée en octobre dernier pour cause de paralysie budgétaire aux Etats-Unis.

Comment rassurer ses alliés asiatiques sur l'engagement des Etats-Unis sans pour autant froisser la Chine ? Comment renforcer la relation vitale avec le Japon tout en tenant compte de l'irritation de Pékin ou de la Corée du Sud ? Pendant une semaine, le président américain va d'abord s'efforcer de réaffirmer sa volonté de rééquilibrer la politique étrangère américaine vers l'Asie.

Mais il débarque au Japon dans un moment lourd d'actions symboliques: près de 150 parlementaires sont allés mardi au sanctuaire Yasukuni de Tokyo honni par la Chine et la Corée du Sud. Et la veille, le Premier ministre, Shinzo Abe, a fait déposer une offrande dans ce lieu de culte où sont honorés 2,5 millions de militaires tombés pour le Japon, mais aussi 14 criminels de guerre condamnés par les Alliés après la défaite nippone lors de la Seconde Guerre mondiale.

Sur le plan bilatéral, Barack Obama doit aborder à Tokyo les négociations d'un partenariat trans-Pacifique (TPP, 12 pays), qui prennent beaucoup de retard essentiellement du fait du refus japonais d'ouvrir son marché aux produits agricoles américains.

Dès mercredi soir, un dîner dans un grand restaurant de sushis était prévu avec M. Abe, avant un sommet bilatéral jeudi dans le cadre de cette visite d'Etat au Japon au cours de laquelle M. Obama saluera deux fois l'empereur Akihito.

Cette étape japonaise est d'autant plus délicate que les relations entre la Chine, important partenaire politique, commercial et financier des Etats-Unis, et le Japon, «protégé» de Washington qui y dispose de 50.000 soldats, sont exécrables depuis un an et demi en raison d'un conflit territorial en mer de Chine orientale à propos des îles Senkaku, un archipel inhabité contrôlé par Tokyo et revendiqué par Pékin sous le nom de Diaoyu.

Dans une interview au grand quotidien nippon Yomiuri Shimbun, M. Obama a tenu à réaffirmer que ces îles étaient couvertes par le traité de sécurité nippo-américain et administrées par le Japon.

- Billard à sept bandes -

Vendredi matin, le président américain est attendu en Corée du Sud, son autre grand allié régional qui, lui, est en première ligne face à l'imprévisible régime nord-coréen qui, selon des informations sud-coréennes, préparerait un quatrième essai nucléaire. Mais Séoul est brouillé avec Tokyo sur fond de haines historiques et, là aussi, de conflit maritime.

Fin mars, Barack Obama avait bien réussi à faire asseoir à la même table autour de lui Shinzo Abe et la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye, mais visiblement le coeur n'y était pas.

En Malaisie, où il sera le premier président américain à se rendre depuis Lyndon Johnson en 1966, M. Obama s'entretiendra avec le Premier ministre, Najib Razak.

Enfin, le 28 avril, il ira aux Philippines parler avec le président Benigno Aquino, dont le pays allié des Etats-Unis est lui aussi confronté aux prétentions maritimes de la Chine.

Si côté américain le maître-mot est «rassurer» ses alliés régionaux, certains ont le sentiment d'être quelque peu délaissés par Washington, au moment où l'administration américaine est accaparée par le laborieux processus de paix israélo-palestinien et la grave crise avec la Russie à propos de l'Ukraine.

Dans cette partie de billard à sept bandes asiatiques, Barack Obama est sur la corde raide: il doit éviter de braquer Pékin, en disant que la politique régionale américaine ne vise pas à endiguer la Chine, tout en cajolant des alliés parfois inquiets.