La zone de l'Everest où une avalanche a tué au moins 13 sherpas, hier, fait l'objet de travaux importants afin d'installer les équipements en prévision du début de la saison des expéditions, explique un alpiniste québécois.

Gabriel Filippi a atteint à deux reprises le «toit du monde». En entrevue téléphonique avec La Presse, il s'est dit touché par cette «tragédie», «la pire à survenir» dans l'histoire des conquêtes de l'Everest.

«La saison commence. Les premières équipes sont arrivées la semaine dernière. Par conséquent, les sherpas déploient de grands efforts pour installer des cordages entre le camp de base et le camp II, a-t-il relaté. Ce n'est pas surprenant qu'il y ait autant de morts. En ce moment, c'est la zone la plus occupée.»

L'avalanche est survenue peu avant 7h, heure locale, à environ 5800 mètres d'altitude. Le groupe touché était uniquement composé de sherpas, ces montagnards népalais indispensables à l'ascension de l'Everest.

«Nous avons retrouvé 13 corps dans la neige, nous ne savons pas combien d'autres sont encore prisonniers dessous», a indiqué à l'AFP Dipendra Paudel, un porte-parole du ministère du Tourisme du Népal. Hier, différents médias évoquaient environ quatre disparus.

Les efforts de sauvetage ont été suspendus tôt hier pour ne «pas risquer un autre accident», a-t-il ajouté.

Le temps était pourtant idéal en début de journée, selon des témoins. «Quand nos guides ont quitté le camp de base, il ne neigeait pas, la météo était exceptionnelle», a déclaré à l'AFP le porte-parole d'une agence de montagne dont certains sherpas sont portés disparus.

«Toujours possible»

La tragédie d'hier s'est produite dans une zone extrêmement risquée du glacier de Khumbu, surnommée le Popcorn Field.

Dans ses conférences, Gabriel Filippi décrit ce passage comme une série de gros blocs posés sur une myriade de petits blocs. Cet agencement forme une «cascade de glace» extrêmement instable.

«C'est un glacier qui bouge d'un mètre par jour. C'est toujours propice à des avalanches. C'est vraiment un endroit que l'on craint. Il est considéré comme l'endroit le plus meurtrier sur l'Everest, a indiqué M. Filippi. Tu ne sais jamais quand ça va arriver.»

Par-delà cette zone particulière, l'Everest comporte en lui-même sa part de risque. Depuis un siècle, plus de 300 personnes y ont perdu la vie. Les grimpeurs qui en font l'ascension aperçoivent inévitablement les dépouilles congelées de malheureux aventuriers - certaines servant même de balises pour se repérer en montagne.

«Chaque fois qu'on quitte le camp de base de l'Everest, moi, je dis qu'on est laissé à soi-même, même si on est 15 à partir, a avancé le Québécois. Une avalanche est toujours possible.»

Et une fois la cascade de neige et de glace déclenchée, les alpinistes qui se trouvent sur son passage sont pratiquement condamnés.

Avec l'Agence France-Presse

Photo Niranjan Shrestha, Associated Press

Dawa Tashi, un rescapé de l'avalanche.

Catastrophes sur l'Everest

Juin 1922

La première tentative britannique de gravir l'Everest s'est soldée par un échec, mais surtout par la mort de sept sherpas. Le célèbre George Mallory, ex-militaire et alpiniste, dirigeait l'expédition. Le 7 juin, la troupe en était à sa troisième tentative d'atteindre le sommet lorsqu'une avalanche a poussé neuf sherpas qui accompagnaient les Occidentaux dans une crevasse. Seulement deux d'entre eux ont pu être sauvés.

Avril 1970

Le projet fou d'une expédition japonaise qui visait à faire l'ascension de l'Everest puis à le descendre à skis s'est soldé par la mort de six sherpas. La catastrophe s'est produite dans une zone baptisée la «cascade de glace du Khumbu», emportant une partie de l'expédition. Le skieur Yuichiro Miura a tout de même dévalé une partie de la montagne sur ses skis, avec un parachute pour ralentir sa descente.

Septembre 1974

Un alpiniste français, Gérard Devouassoux, a vu sa tente et celles de cinq sherpas être détruites par une avalanche dans la nuit du 9 septembre. Les six corps n'ont jamais été retrouvés. Devouassoux, le maire adjoint de Chamonix, tentait de devenir le premier à escalader l'Everest par sa face ouest.

Mai 1996

La saison d'escalade 1996 a été meurtrière sur l'Everest. À la mi-mai, des alpinistes et leurs guides ont été surpris par une tempête soudaine après avoir pris du retard dans leur ascension. Bilan final: huit morts dans trois expéditions distinctes. Un journaliste qui a survécu à l'aventure, Jon Krakauer, en a tiré un livre dans lequel il montre du doigt le trop grand nombre d'alpinistes qui tentaient simultanément d'atteindre le sommet, ainsi que le comportement d'un guide kazakh.