La Cour suprême indienne a reconnu mardi l'existence d'un troisième genre, ni masculin ni féminin, une décision qui va permettre à plusieurs millions de personnes transgenres et d'eunuques de faire reconnaître leurs droits.

«La reconnaissance des transgenres comme un troisième genre n'est pas une question sociale ou médicale, mais une question de droits de l'homme», a dit le juge K.S. Radhakrishnan.

La Cour a ordonné au gouvernement de l'Inde et aux États du pays d'identifier les transgenres comme un troisième genre neutre et de leur donner droit aux mêmes aides sociales et à des emplois réservés, comme les autres groupes minoritaires.

«Les transgenres sont des citoyens de ce pays et ont droit à l'éducation et à tous les autres droits», a dit le juge.

Les personnes transgenres et les eunuques vivent en marge de la société indienne, traditionnellement conservatrice et sont fréquemment contraints d'avoir recours à la prostitution, la mendicité ou à des emplois très précaires pour survivre.

En Inde, une grande partie d'entre eux forme la communauté des «hijras» qui sont considérés avec un mélange de crainte et de respect.

Le recours devant la Cour suprême avait été intenté en 2012 par un groupe conduit par Laxmi Narayan Tripathi, militant reconnu des eunuques et transgenres.

«Pour la première fois, aujourd'hui, je suis très fier d'être indien», a dit le militant aux journalistes réunis devant la Cour suprême.

«Mes soeurs et moi avons le sentiment d'être de vrais Indiens et sommes très fiers, car nos droits ont été reconnus par la Cour suprême», a-t-il ajouté.

Reconnaissance rare dans le monde

Cette reconnaissance d'un troisième genre est rare dans le monde.

Début avril, la plus haute juridiction d'Australie avait décidé qu'une personne pouvait être reconnue par l'état civil comme de genre neutre. De leur côté, l'Allemagne et le Népal autorisent leurs ressortissants à inscrire un X dans la case «sexe» du passeport.

Les transgenres sont les personnes qui ont subi une opération chirurgicale de changement de sexe ou qui adoptent le mode de vie de l'autre genre sans forcément avoir changé de sexe, explique Sanjay Srivastava, professeur de sociologie de l'Institute of Economic Growth à New Delhi.

En Inde, la même Cour suprême avait déclenché un tollé en décembre en refusant de dépénaliser l'homosexualité qui reste un crime. Une partie des intellectuels indiens avait réagi en estimant qu'une telle décision ramenait le pays au XIXe siècle.

La Cour suprême a ordonné mardi que les transgenres puissent bénéficier d'un quota de places dans le système éducatif et d'emplois au même titre que d'autres groupes minoritaires désavantagés, a indiqué l'avocat des requérants, Sanjeev Bhatnagar.

Ces personnes pourront également avoir accès au système de santé et à d'autres mécanismes sociaux en vertu de ces mêmes droits réservés aux groupes minoritaires, a-t-il précisé.

«Le gouvernement central et ceux de tous les États ont reçu ordre de se conformer à cette décision leur accordant des quotas et de les identifier afin de leur accorder des droits», a ajouté l'avocat.

Certains États et organismes officiels reconnaissent déjà les personnes transgenres, comme la Commission électorale qui a décidé qu'ils seraient classés dans la catégorie «autres» sur les listes électorales et les cartes d'électeurs.

Les personnes transgenres sont estimées à plusieurs millions en Inde. La Commission électorale n'a cependant inscrit que 28 341 personnes dans cette catégorie, illustrant la crainte de nombre d'entre elles d'être stigmatisées.

«C'est un jugement historique, car la communauté transgenre est l'objet de discriminations et de harcèlement depuis plus d'un siècle», a réagi Kalki, fondateur de la fondation Sahodari qui milite en faveur des droits des personnes transgenres.