Les recherches du vol MH370, qui a changé de cap et désactivé ses communications de manière «délibérée» avant de se volatiliser il y a huit jours, se concentraient dimanche sur deux vastes régions, tandis que les enquêteurs passaient au peigne fin les personnalités des pilotes et passagers.

La désactivation des systèmes de communication et le changement de trajectoire vers l'Océan indien «sont cohérents avec une action délibérée de quelqu'un» dans l'avion, qui a continué de voler près de sept heures, selon les autorités malaisiennes.

«Qui? Pourquoi? Où?», s'interrogeait dimanche en une le quotidien malaisien New Straits Times.

Ces révélations ont accru la perplexité des experts et des médias, et le désarroi des proches des 239 personnes à bord, qui se raccrochent parfois à l'infime espoir que l'avion ait pu atterrir quelque part.

La famille de Bob et Cathy Lawton, un couple australien à bord du MH370, se dit anéantie en imaginant ce par quoi le couple est passé s'il y a bel et bien eu un détournement qui a duré des heures.

«Même s'ils sont vivants, qu'ont-ils dû endurer?», a déclaré David Lawton, le frère de Bob, au groupe de presse News Limited. «Nous conservons encore des espoirs et des rêves. Mais en fait on ne sait plus trop».

L'étendue des questions qui restent en suspens est aussi vaste que celle des zones de recherche.

Le transpondeur, facile à déconnecter

Après l'abandon des opérations en mer de Chine méridionale, les avions et navires d'une dizaine de pays se concentrent sur deux corridors: au nord, du Kazakhstan au nord de la Thaïlande, et au sud, de l'Indonésie à la partie méridionale de l'Océan indien.

Le couloir sud-est jugé le plus vraisemblable par les analystes, qui soulignent que le couloir nord passe au-dessus de plusieurs pays, dont les radars militaires auraient forcément repéré un appareil.

La Malaisie a d'ailleurs demandé à l'Inde de suspendre ses recherches dans le golfe du Bengale et près des îles Andaman et Nicobar, qui font partie du couloir septentrional.

Samedi, le premier ministre de Malaisie Najib Razak a refusé de confirmer un détournement. Les enquêteurs ont «déplacé leur enquête sur l'équipage et les passagers», a-t-il déclaré.

Un expert aéronautique ayant requis l'anonymat souligne qu'«il est extrêmement facile de déconnecter le transpondeur», un émetteur-récepteur automatique. «La déconnexion a pu être faite par l'équipage ou un passager ayant suivi trois ou quatre leçons de pilotage».

Beaucoup plus difficile à fermer en revanche, le système ACARS, dont est doté le Boeing 777 et qui permet d'échanger des informations entre l'appareil en vol et le centre opérationnel d'une compagnie aérienne. Selon l'expert, «il nécessite d'avoir une excellente connaissance de l'appareil».

La police a perquisitionné samedi les logements des deux pilotes, le commandant Zaharie Ahmad Shah, 53 ans, et son copilote, Fariq Abdul Hamid, 27 ans, a confirmé dimanche le ministère malaisien des Transports.

Les proches ou collègues des deux hommes ont témoigné de leur professionnalisme et de leur caractère équilibré. Le commandant avait chez lui un simulateur de vol mais les experts du secteur aérien disent que ce n'est pas si rare chez les pilotes passionnés.

Les experts examinent le simulateur. Le ministère précise que ces procédures sont «normales», au vu des circonstances.

Du carburant pour voler huit heures

Toujours au niveau de l'enquête, les experts, à bord d'un Boeing 777, ont reconstitué il y a quelques jours le vol MH370. Cette opération leur a permis de vérifier la route qu'a suivie l'appareil, selon les données recueillies par satellite et radars, du moins lors des premières heures.

L'avion a fait demi-tour à mi-chemin entre la Malaisie et le Vietnam, traversé la péninsule malaisienne, avant de filer nord-ouest vers la mer d'Andaman, a indiqué à l'AFP un responsable militaire.

«Nous devons garder à l'esprit que nous en sommes encore au début de l'enquête, bien qu'une semaine se soit écoulée depuis le décollage de l'avion», note Anthony Brickhouse, membre de la Société internationale des enquêteurs sur la sécurité aérienne.

«Nous n'avons pas beaucoup d'indices: pas d'avion, pas d'épave, pas beaucoup de données électroniques provenant de l'appareil».

Les données satellitaires collectées ne permettent pas de déterminer l'endroit où l'appareil se trouvait, au terme des presque huit heures de vol -une heure avant qu'il disparaisse des radars, puis près de sept heures une fois les communications rompues-.

Ses réserves de carburant lui permettaient de voler quelque huit heures.

Le MH370 a changé de cap une heure après son décollage de Kuala Lumpur à destination de Pékin, avec 239 personnes à bord.

Il était 1H30 du matin, samedi 8 mars, la nuit était claire et le Boeing 777, un des avions les plus sûrs au monde, n'a envoyé aucun signal de détresse.

La Chine fustige la Malaisie pour le «temps perdu»

La Malaisie faisait dimanche l'objet de nouvelles critiques en Chine, où médias et internautes jugeaient «trop tardives» les annonces du gouvernement malaisien sur le détournement «délibéré» du Boeing 777 disparu il y a huit jours.

Kuala Lumpur a annoncé samedi que la désactivation des systèmes de communication et le brusque changement de cap de l'avion de Malaysia Airlines en direction de l'Océan indien étaient «cohérents avec une action délibérée de quelqu'un» dans l'avion.

«Il est évident que l'annonce d'informations aussi essentielles arrive terriblement tard», après sept jours «atroces» endurés par les proches des passagers disparus, a asséné l'agence d'Etat Chine nouvelle dans un commentaire au ton cinglant.

«Ce délai s'explique soit par un manquement au devoir ou alors une réticence à partager des informations en temps et en heure - ce qui serait inacceptable», a-t-elle poursuivi, soulignant que la Malaisie «ne pouvait esquiver sa responsabilité».

«En l'absence -ou tout au moins le manque- d'informations attestées, des efforts massifs ont été gaspillés», en concentrant les opérations de recherches dans une zone où l'avion ne se trouvait pas, a insisté Chine nouvelle.

«Cela prouve que les recherches des huit derniers jours ont été faites totalement en vain et rataient l'essentiel (...) et que les hypothèses que les autorités malaisiennes s'évertuaient à démentir s'avéraient finalement exactes», ironisait par ailleurs un commentaire du Beijing Times.

Pas étonnant, ajoutait-il, de voir fleurir sur l'internet des interrogations conspirationnistes: «On a vu des soi-disant "rumeurs" devenir progressivement de véritables prédictions en avance sur les annonces officielles».

De leur côté, les internautes chinois ne se montraient guère plus tendres: «Un seul mot peut qualifier l'attitude du gouvernement malaisien: "imposture"», lançait un usager du site de microblogs Weibo.

«Leur mauvaise foi et leurs tromperies sont tellement malhabiles que même moi un simple observateur je m'en étais aperçu d'un regard», grinçait un autre internaute.

La plupart des données satellites présentées samedi par Premier ministre malaisien Najib Razak avaient déjà fuité auparavant dans les médias américains.

«Nous comprenons le besoin désespéré d'informations (...) mais nous avons la responsabilité de ne fournir que des informations que nous avons pu corroborer», s'est justifié samedi Najib Razak, et Malaysia Airlines a rappelé quant à elle qu'il «avait fallu du temps» pour «vérifier et analyser» ces données.

Sur les 239 personnes à bord, 153 étaient des ressortissants chinois. Leurs proches, rassemblés à l'hôtel Lido de Pékin, ont indiqué avoir de nouveau rencontré dimanche matin des représentants de la compagnie aérienne mais sans obtenir de nouvelles informations.

«Ils ne nous disent absolument rien, c'est vraiment grotesque. A moins de nous dire ce qui s'est réellement passé, à quoi cela sert-il?», s'est indigné un homme d'âge moyen, interrogé dans un couloir de l'hôtel.

A l'étranger, certains experts mettaient en cause les justifications des autorités malaisiennes, se demandant pourquoi elles avaient laissé aussi longtemps des ressources importantes être déployées en mer de Chine du sud, et comment le changement de trajectoire de l'avion avait pu échapper au système de défense malaisien.

«C'est un stupéfiant échec de la sécurité. Et cela ressemble échec des technologies à tous niveau», a réagi Ajaj Sahni, directeur de l'Institute for Conflict Management à New Delhi.

«Pourquoi ont-ils eu besoin de plusieurs jours pour "corroborer" ce que leurs montraient leurs propres images radars?», s'étonnait de son côté Terence Fan, expert aéronautique de la Management University à Singapour.

«Ne pouvaient-ils pas savoir depuis le début que les différents systèmes de transmission de l'avion avaient été éteints à des moments différents?», ajoutait-il.