La disparition du Boeing 777 de Malaysia Airlines, volatilisé entre la Malaisie et le Vietnam depuis près de trois jours, stupéfie les spécialistes qui n'excluent ni l'hypothèse d'un attentat ni celle d'un accident rarissime.

D'importants secours navals et aériens ont été engagés pour tenter de retrouver la trace de l'appareil, faisant état de l'observation successive de débris présumés, d'une traînée de carburant et d'un radeau de survie retourné. Mais aucune de ces pistes n'a donné de résultat pour le moment.

Le Boeing, «apte» au vol selon la compagnie, transportait 239 passagers et membres d'équipage. Il n'a pas envoyé de signal de détresse et les conditions météorologiques étaient favorables sur sa trajectoire.

Question : L'avion a-t-il pu se désintégrer en vol?

Réponses : L'absence de message de détresse a nourri les spéculations quant à la possible survenue d'un incident majeur, comme une explosion. «Il peut s'agir soit d'une défaillance mécanique grave ou de quelque chose d'un peu plus sinistre», avance Chris de Lavigne, vice-président du cabinet de conseil Frost & Sullivan, spécialiste d'aéronautique.

Les autorités affirment que l'aéronef croisait à une altitude de 35 000 pieds (11 000 mètres) au-dessus de la mer quand le contrôle aérien a perdu son contact. «C'est le moment le plus sûr du vol» et le Boeing 777 est un appareil extrêmement fiable avec «de très, très rares incidents» recensés depuis sa mise en service, souligne l'expert. «Tout cela est très curieux».

Gerry Soejatman, un expert indépendant basé en Indonésie, évoque «la possibilité d'une explosion» à moyenne altitude ou «un simple problème» suivi d'une erreur de diagnostic de l'équipage. «Ils ne réalisent pas ce qui se passe et l'avion s'écrase. C'est ce qui est arrivé dans le cas d'Air France», dit-il en référence au vol 447 Rio-Paris de juin 2009. L'accident avait fait 228 morts, dont 216 passagers.

Question : Quelle est la probabilité pour qu'une dislocation de l'appareil en vol ait été causée par une bombe?

Réponse : «C'est une possibilité», assène Chris de Lavigne. «Tout est possible pour le moment jusqu'à ce qu'on obtienne plus d'informations (...). Il est assez surprenant qu'il n'y ait pas eu d'appel de détresse lancé depuis l'appareil, juste avant sa disparition. La conclusion serait que quelque chose de rapide et de drastique soit survenu».

Question : Pourquoi sait-on si peu de choses sur cette catastrophe après bientôt trois jours?

Réponse : «Ils peinent à trouver des éléments matériels», explique Chris de Lavigne. Le golfe de Thaïlande, où l'avion aurait pu s'abîmer compte tenu de sa trajectoire, «est un lieu de trafic maritime dense» ce qui augmente a priori les chances de retrouver une épave ou des morceaux de l'avion. Mais «il n'est pas toujours flagrant que l'on a affaire à une aile ou l'empênage. Il faut aller sur place et vérifier ce que c'est, cela prend du temps».

Les ultimes observations radar confirment que l'avion effectuait un virage peu avant de disparaître des écrans. «Il reste à déterminer si (le virage) était prévu par le plan de vol ou si l'avion a essayé de faire demi-tour», observe Gerry Soejatman. «Il faut faire montre de prudence : ce virage indiqué par le radar, est-ce un demi-tour ou une chute?».

Question : Est-il possible de piloter l'avion s'il connaît une défaillance majeure de ses instruments de navigation?

Réponse : C'est possible, selon les experts, à condition que cela n'affecte pas les autres fonctions de l'avion. Les pilotes disposent d'un «outil comparable à un simple compas» destiné à les guider dans la recherche d'un espace pour effectuer un atterrissage d'urgence. Chris de Lavigne ajoute que les pilotes, dans le cas d'une grave avarie des outils de navigation, auraient pu prendre le contrôle manuel de l'avion et eu le temps d'envoyer un signal de détresse.

Question : Pourquoi les autorités ne reçoivent-elles pas de signaux de l'émetteur de localisation d'urgence (Emergency Locator Beacon, ELT) de l'avion?

Réponse : «La dynamique d'un impact est si complexe que (l'émetteur) ne se déclenche pas forcément tout le temps. Il devrait fonctionner la plupart du temps», relève Gerry Soejatman. Quant à la fameuse boîte noire, ou «enregistreur de vol», elle devrait envoyer un signal depuis le fond de la mer détectable à l'aide d'un sonar.

Similitudes et divergences avec le vol Rio-Paris de 2009

La disparition de l'avion de la Malaysia Airlines présente des similitudes et des divergences avec l'accident du vol AF447 d'Air France qui reliait Rio de Janeiro à Paris, survenu au-dessus de l'Atlantique en juin 2009.

Les similitudes:

- Trois jours après sa disparition des radars, l'avion n'a toujours pas été localisé. L'épave de l'Airbus A330 d'Air France avait été localisée en avril 2011, près de deux ans après sa disparition. Seules quelques pièces de l'appareil, dont l'empennage avaient été récupérées une semaine après l'écrasement.

- La disparition a eu lieu au-dessus de la mer et pendant que l'avion était en croisière.

- Le nombre de passagers (239 passagers, dont 12 membres d'équipage) est comparable à celui d'Air France (228 passagers, dont 12 membres d'équipage).

- Le Boeing 777-200, comme l'Airbus A330, est considéré comme un appareil extrêmement fiable, avec un grand nombre d'exemplaires en service et peu d'accidents.

- L'équipage n'a pas émis de message de détresse. Rien d'étonnant, selon les experts aéronautiques, car si les pilotes ont rencontré des problèmes techniques, comme cela avait été le cas pour ceux d'Air France, ils ont dû se concentrer sur les solutions à trouver. Dans les situations d'urgence, envoyer un message de détresse n'est pas une priorité.

- L'avion avait été abimé au sol, puis réparé. Dans le cas d'Air France, cet événement n'a joué strictement aucun rôle dans l'accident.

Les divergences:

- L'AF447 avait laissé des traces grâce aux messages automatiques ACARS (messages d'anomalies, de pannes ou d'arrêt de système). Vingt-quatre messages avaient ainsi été envoyés en quatre minutes. Pour l'instant, Malaysia a indiqué que l'avion était doté d'un système ACARS avec transmission automatique de messages. Mais la compagnie n'a pas précisé si des messages avaient bien été réceptionnés. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il n'y en a pas eu, notent les spécialistes.

- Les deux avions étaient en croisière, mais dans le cas de la Malaysia, la disparition a eu lieu en début de croisière, ce qui laisse penser que le commandant de bord était probablement au poste. Dans le cas de l'AF447, le commandant de bord était en phase de repos. Il est revenu dans le cockpit peu de temps avant l'écrasement.

- La météo ne semblait pas mauvaise, alors que pour l'AF447, l'avion avait traversé une importante zone de turbulences.

- L'alerte a été donnée assez rapidement.

- La disparition a eu lieu dans une zone beaucoup plus fréquentée. L'AF447 a disparu dans une zone non couverte par les radars alors que l'appareil de Malaysia a disparu dans une zone a priori bien couverte et sans doute même très surveillée parce qu'elle reste partagée entre différentes nations.

- Les eaux sont bien moins voire peu profondes. L'avion d'Air France avait été englouti à 3.900 mètres de profondeur.

- La zone de recherche est moins éloignée des côtes. Dans le cas du Rio-Paris, l'éloignement des côtes a compliqué les recherches.

- L'AF447 s'étant abîmé dans des eaux internationales, les enquêteurs français ont été légalement mandatés pour les investigations. Dans le cas de Malaysia, tant que l'on ne sait pas où l'avion s'est écrasé, on ne sait pas quelles sont les autorités compétentes: la Malaisie? le Vietnam ?