La première ministre thaïlandaise a assuré jeudi de son innocence, après l'annonce par la commission anticorruption (NACC) de sa prochaine inculpation pour négligence en lien avec un programme controversé d'aide aux riziculteurs, procédure qui pourrait mener à sa destitution.

«Je réaffirme que je suis innocente», a déclaré sur sa page Facebook Yingluck Shinawatra, qui fait face depuis près de quatre mois à des manifestations réclamant sa tête.

«Même si je fais face à des accusations criminelles et suis menacée d'être révoquée, ce qui est le souhait des gens qui veulent renverser le gouvernement, je suis prête à coopérer pour établir les faits», a-t-elle ajouté, s'interrogeant sur la rapidité avec laquelle son dossier avait été traité par la commission.

La NACC a estimé cette semaine que la première ministre avait ignoré les mises en garde prévenant que le programme avait engendré corruption et pertes financières. Elle a convoqué Yingluck le 27 février pour entendre les accusations.

La première ministre a appelé la commission à ne pas se précipiter pour rendre un jugement «qui pourrait être critiqué par la société comme bénéficiant à ceux qui veulent renverser le gouvernement».

Cette politique d'aide aux riziculteurs, qui avait contribué à la large victoire de Yingluck aux élections de 2011, a conduit le gouvernement à acheter la céréale aux paysans jusqu'à 50% au-dessus du prix du marché.

Ses détracteurs l'accusent d'avoir entraîné une corruption massive, porté un coup aux finances publiques et créé une montagne d'invendus.

Et des riziculteurs qui n'ont pas été payés depuis plusieurs mois se sont joints aux critiques. Des centaines d'entre eux et leurs tracteurs se dirigeaient au ralenti vers Bangkok, avec comme objectif selon la presse thaïlandaise d'atteindre le principal aéroport Suvarnabhumi vendredi.

«Je pense qu'ils vont faire une manifestation symbolique, mais ils ne peuvent pas fermer l'aéroport», a assuré Rawewan Netrakavesna, directrice de Suvarnabhumi, précisant qu'un millier de policiers et soldats étaient sur place.

Fin 2008, les deux aéroports de Bangkok avaient été paralysés pendant neuf jours par des opposants au gouvernement.

Les principaux manifestants dans la rue depuis l'automne veulent remplacer le gouvernement par un «conseil du peuple» non élu. Outre la tête de Yingluck, ils réclament la fin de l'influence de son frère Thaksin Shinawatra, ancien premier ministre en exil renversé par un coup d'État en 2006.

Depuis ce putsch, partisans et ennemis du milliardaire sont tour à tour descendus dans la rue, entraînant la Thaïlande dans un cycle de violences politiques.

Les législatives anticipées du 2 février n'ont pas réussi à apaiser la crise actuelle qui a déjà fait 16 morts, incluant policiers et manifestants.

Ces derniers ont perturbé le scrutin, et aucun résultat n'a été annoncé en attendant de nouveaux votes dans les circonscriptions où il n'a pu se tenir.

Autre coup dur pour Yingluck, la justice lui a ordonné mercredi de ne pas utiliser la force contre les manifestants «pacifiques», ce qui risque de lui lier les mains face à un mouvement qui bloque notamment le siège du gouvernement depuis des semaines.

Mais les autorités ont annoncé jeudi qu'elles allaient faire appel. Le centre de crise «ne peut plus faire son travail», a commenté un de ses membres, Tarit Pengdith.

Le jugement est intervenu au lendemain de violents heurts lors d'une opération de la police pour reprendre certains sites, faisant 5 morts, dont un policier tué par balle.

Si le gouvernement a assuré n'avoir utilisé que des balles en caoutchouc, Human Rights Watch a accusé les deux camps d'avoir fait usage de balles réelles, et s'est inquiété d'une «escalade» de la violence.

Photo ATHIT PERAWONGMETHA, Reuters