La police thaïlandaise a lancé mardi une nouvelle opération pour reprendre des sites occupés par les manifestants qui réclament la chute du gouvernement, arrêtant des dizaines de personnes pour la première fois depuis le début de la crise à l'automne.

Une centaine de manifestants ont été interpellés dans le complexe du ministère de l'Énergie pour violation de l'état d'urgence en vigueur à Bangkok depuis le 22 janvier, a précisé le chef du Conseil de sécurité nationale Paradorn Pattanatabut.

«Il n'y a pas eu de résistance (...). Ils ont été dépassés par les forces de police», a-t-il ajouté, alors que des policiers antiémeute étaient également déployés près du siège du gouvernement bloqués par les protestataires.

C'est la première fois depuis le début du mouvement il y a trois mois et demi que les autorités arrêtent autant de manifestants, qui ont occupé ou assiégé de nombreuses administrations et ministères.

Le gouvernement de la Première ministre Yingluck Shinawatra a en effet largement privilégié l'évitement entre police et manifestants pour limiter les violences qui ont déjà fait onze morts.

Mais il a changé de stratégie vendredi lorsque des centaines de policiers antiémeute avaient dégagé le campement autour du siège du gouvernement que Yingluck et ses ministres n'ont pu utiliser depuis près de deux mois.

Immédiatement après cette opération, qui n'avait conduit ni à de réels affrontements ni à des arrestations, les militants étaient revenus reconstruire leurs barricades de pneus et de sacs de sable.

Et lundi, des milliers d'entre eux ont à nouveau assiégé Government House, commençant à construire un mur de ciment devant les grilles.

Mardi matin, le chef de l'équipe de négociateurs de la police leur a donné une heure, par haut-parleur, pour abandonner leur position, mais les militants ne semblaient pas vouloir obtempérer.

«Nous exerçons notre droit de manifester contre le gouvernement», ont-ils répondu par la même voie, séparés de la police par des barbelés.

«Nous sommes ici pour protéger Government House, le gouvernement ne peut plus y travailler», a déclaré de son côté le porte-parole du mouvement Akanat Promphan. «Le gouvernement est piégé, il n'a aucune solution, il doit démissionner».

Des carrefours toujours occupés

L'opération des forces de l'ordre ne semble pas concerner pour l'instant les campements installés à certains carrefours clé de la capitale depuis le lancement mi-janvier de l'opération de «paralysie» de Bangkok.

Les manifestants, dont le nombre s'est nettement réduit ces dernières semaines, réclament, outre la tête de Yingluck, la fin de l'influence de son frère Thaksin, ancien Premier ministre renversé par un coup d'État en 2006 et accusé de tirer les ficelles depuis son exil.

Depuis ce putsch, la Thaïlande est engluée dans des crises politiques à répétition faisant descendre dans la rue tour à tour les ennemis et les partisans de Thaksin, qui reste le personnage à la fois le plus adoré et le plus haï du royaume.

La dernière, en 2010, avait vu jusqu'à 100 000 «chemises rouges» fidèles au milliardaire occuper le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission du précédent gouvernement, avant un assaut de l'armée autorisée à tirer à balles réelles.

Yingluck semble vouloir à tout prix empêcher une répétition de cet épisode qui avait fait plus de 90 morts et 1900 blessés.

Pour tenter de sortir de la crise actuelle, elle avait convoqué des législatives anticipées du 2 février, mais les élections n'ont pas eu l'effet escompté.

Les manifestants, qui veulent remplacer le gouvernement par un «conseil du peuple» non élu, ont en effet fortement perturbé le scrutin et aucun résultat n'a été annoncé en attendant deux nouvelles journées de vote fin avril.

Sans réunion d'un nouveau parlement, le gouvernement est condamné à expédier les affaires courantes. Et avec des pouvoirs limités, il est, selon les analystes, plus vulnérable à un nouveau «coup d'État judiciaire», dans un pays où la justice a déjà chassé deux gouvernements pro-Thaksin, en 2008.

Yingluck fait d'autre part face à des manifestations de riziculteurs qui n'ont pas été payés depuis plusieurs mois pour les récoltes vendues au gouvernement dans le cadre d'un programme de subventions controversé.