Un éminent militant anticorruption chinois a été condamné dimanche à quatre ans de prison, dans un contexte de répression renforcée des voix dissidentes, un verdict qui déçoit «profondément» les États-Unis.

Le tribunal intermédiaire de Pékin «a condamné Xu Zhiyong à quatre années de prison» après l'avoir déclaré coupable de «rassemblement illégal visant à perturber l'ordre public», a indiqué le tribunal sur son compte officiel sur le site de microblogue Sina Weibo, l'équivalent chinois de Twitter.

Washington a réagi en se disant «profondément déçu».

«Nous appelons les autorités chinoises à libérer immédiatement Xu et d'autres prisonniers politiques, à cesser de réduire leur liberté de mouvement et à leur garantir la protection et les libertés auxquels ils ont droit conformément aux engagements de la Chine vis-à-vis des Droits de l'homme internationaux», a déclaré la porte-parole du Département d'État Jen Psaki dans un communiqué.

L'avocat de Xu, Zhang Qingfang, a qualifié le procès de «pur théâtre», dont «la conclusion était connue d'avance».

Quant à la réaction de son client, elle s'est résumée à ces quelques mots, a-t-il indiqué à l'AFP: «au final, vous avez détruit la dernière trace de crédibilité pour le respect de l'État de droit en Chine».

Zhang a ajouté que la police l'avait éloigné du tribunal afin qu'il ne puisse pas s'exprimer devant des journalistes qui se tenaient à proximité de la cour.

Les lieux, dans l'ouest de la capitale, avaient été interdits à la circulation, et des officiers, en uniforme et en civil, empêchaient les piétons d'approcher.

Le procès de l'universitaire et avocat Xu, 40 ans, qui avait appelé les dirigeants communistes à davantage de transparence, s'était tenu mercredi, sous haute sécurité et sans que la presse étrangère soit autorisée à entrer dans la salle d'audience.

Fondateur du Mouvement des nouveaux citoyens, un réseau informel de militants dans le collimateur des autorités, Xu encourait une peine de cinq ans de réclusion.

Transparence sur le patrimoine des élites

Le réseau organisait des rassemblements sporadiques et des discussions sur des sujets liés à la société civile, allant de l'égalité dans l'éducation à la corruption des élites.

Pendant son procès, Xu Zhiyong avait «gardé le silence», ne souhaitant pas «prendre part à cette mise en scène théâtrale», avait indiqué cette semaine son avocat. «Nous ne sommes pas des acteurs», avait-il ajouté.

Inlassable promoteur de réformes du système juridique, Xu Zhiyong prônait une mobilisation citoyenne contre la corruption et exigeait une transparence sur le patrimoine des hauts fonctionnaires.

Il fait partie d'un groupe d'une dizaine de militants anticorruption devant être jugés ces jours-ci, accusés de troubles à l'ordre public. Xu a été le premier à être condamné.

Vendredi s'est tenu le procès de l'activiste Liu Yuandong, qui avait participé à des manifestations contre la censure.

Dans un pays où l'appareil judiciaire est étroitement soumis aux décisions politiques, il est quasiment certain que ces procès déboucheront tous sur des condamnations.

Selon les avocats des militants, ces audiences ont été organisées juste avant les congés du Nouvel an lunaire afin de leur offrir une moindre visibilité.

Amnesty International a dénoncé cette semaine l'«hypocrisie» des autorités chinoises qui jugent ces militants, tout en affichant une volonté de transparence et de lutte contre les pots-de-vin.

L'ambassadeur de l'Union européenne en Chine s'était dit vendredi inquiet de leur «durcissement» à l'encontre de militants des libertés. Les États-Unis, eux, avaient fait part de leurs «inquiétudes» après l'arrestation de Xu en juillet 2013.

Pékin a rétorqué en demandant aux pays étrangers de ne «pas s'ingérer dans les affaires intérieures de la Chine».