Le Bangladesh était le théâtre dimanche d'une nouvelle flambée de violences à l'occasion de législatives boycottées par l'opposition après des mois de grèves et de heurts sanglants, les plus graves depuis l'indépendance.

Des «milliers» d'opposants à la première ministre Sheikh Hasina Wajed ont incendié ou vandalisé plus de 200 bureaux de vote et au moins 15 personnes - 22 selon l'opposition - ont trouvé la mort depuis samedi soir, selon un bilan provisoire de la police.

Deux des personnes tuées ont été battues à mort en protégeant les bureaux de vote dans des districts du nord du pays où l'opposition nationaliste est très ancrée.

Les autres victimes fatales de ces heurts sont des militants de l'opposition abattus par les forces de l'ordre et un chauffeur de camion qui a péri dans son véhicule incendié par des assaillants.

«Nous avons vu des milliers de manifestants attaquer des bureaux de vote et notre personnel en faisant usage de cocktails Molotov et de bombes incendiaires», a déclaré à l'AFP le chef de la police de Bogra, Syed Abu Sayem.

«La situation est très volatile», a ajouté l'officier selon qui des stocks de bulletins de vote ont été publiquement brûlés.

Selon le chef de la police de Parbatipur, dans le nord, des «milliers» de manifestants munis de «pistolets et de petites bombes» ont attaqué la police qui a dû riposter.

«C'était une attaque coordonnée. Ils ont réussi à s'emparer de bulletins de vote et ils ont essayé de voler nos armes», a affirmé Mokbul Hossain.

«Une farce scandaleuse»

La police de la capitale Dacca a fait état de deux attaques visant des bureaux de vote.

Pas moins de 50 000 soldats avaient été mobilisés dans la crainte de nouvelles violences au terme d'une campagne délétère et des mois de grèves, de manifestations et de blocages qui ont coûté la vie à 150 personnes.

Le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principale des 21 formations d'opposition, réclamait la mise en place d'un gouvernement neutre et provisoire avant l'organisation d'élections, comme ce fut le cas dans le passé, mais le gouvernement a refusé.

La première ministre, Sheikh Hasina Wajed, est assurée d'être reconduite après la décision de la chef de l'opposition, sa rivale historique Khaleda Zia, de boycotter ces législatives qu'elle a qualifiées de «farce scandaleuse», accusant Sheikh Hasina de «tuer la démocratie».

Dimanche, le BNP a réitéré ses critiques.

Pour son vice-président, Fakhrul Islam Alamgir, «le pays a rejeté ces élections grotesques, inutiles, risibles et totalement inacceptables».

Les États-Unis, le Commonwealth et l'Union européenne se sont vivement préoccupés des risques d'embrasement dans ce pays de 154 millions d'habitants, le huitième le plus peuplé du monde, rompu aux violences et aux coups d'État depuis son indépendance en 1947.

Ils ont renoncé à envoyer des observateurs, estimant que les conditions d'un scrutin libre et transparent n'étaient pas réunies, et affaiblissant un peu plus la position de Sheikh Hasina.

«Continuité constitutionnelle»

L'Awami League au pouvoir, et ses alliés, se présentent sans adversaires dans 153 circonscriptions sur 300. La participation pourrait être inférieure à celle de 26% enregistrée en 1996 lors d'une élection truquée.

À Dacca, les électeurs étaient peu nombreux, selon des journalistes de l'AFP.

Niyamat Ullah, un commerçant, ne s'est pas déplacé.

«De quel genre d'élection s'agit-il quand il n'y a que quelques votants dans les bureaux de vote et que les deux candidats en lice sont du même parti?», s'agace le commerçant.

Les bureaux de vote ont fermé à 16h00 (5h00, heure de Montréal) et les résultats devraient être connus tôt lundi matin.

«La participation a été faible, en partie à cause du boycottage», a déclaré le chef de la commission électorale, Kazi Rakibuddin Ahmad, sans donner de chiffre précis.

Le Bangladesh a connu cette année les violences les plus meurtrières depuis sa création en 1971 à la suite de son indépendance du Pakistan. Selon une ONG, elles auraient fait jusqu'à 500 morts depuis janvier 2013.

Ce bilan comprend les victimes des heurts entre les forces de l'ordre et des militants protestant contre les condamnations à mort de dirigeants islamistes pour crimes de guerre commis en 1971.

Le Jamaat-e-Islami, le principal parti islamiste du Bangladesh, a été interdit de participer aux élections.