Le Japon a mis en garde dimanche contre le risque d'«événements imprévisibles» après l'établissement par la Chine d'une «zone d'identification de la défense aérienne», dont le tracé inclut des îles sous contrôle japonais.

Le ministre japonais des Affaires étrangères Fumio Kishida a déclaré à la presse que le Japon ne pouvait accepter la décision chinoise. Elle constitue, a-t-il dit, un «geste unilatéral qui nous amène à considérer le danger d'événements imprévisibles dans la zone» litigieuse en mer de Chine orientale qui inclut l'archipel des Senkaku (des îles appelées Diaoyu par les Chinois), sous contrôle japonais, mais revendiqué par Pékin.

M. Kishida a indiqué que le Japon étudiait la possibilité de porter ses protestations «à un niveau plus élevé», s'attirant une réplique courroucée de Pékin.

À Séoul, le ministère sud-coréen de la Défense a jugé «regrettable» que la nouvelle zone de défense chinoise empiète également sur sa propre zone de défense aérienne, à l'ouest de l'île de Jeju. Selon une source militaire, les deux zones se recoupent sur une région de 20 kilomètres de large sur 115 kilomètres de long.

«Nous allons parler de ce problème avec la Chine afin d'éviter que cela n'affecte nos intérêts nationaux», a indiqué le ministère sud-coréen de la Défense dans un communiqué.

Samedi, le secrétaire d'État américain John Kerry a dénoncé une «décision unilatérale» de la Chine. «Une escalade ne va qu'accroître les tensions dans la région et créer le risque d'un incident», a-t-il mis en garde.

Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a réaffirmé samedi que les îles Senkaku sont incluses dans le traité américano-japonais, c'est-à-dire que Washington défendrait le Japon si cette région était attaquée.

Les États-Unis, dont 70 000 soldats sont stationnés au Japon et en Corée du Sud, ne respecteront pas la nouvelle zone de défense chinoise, a-t-il indiqué.

Dimanche, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a rejeté «fermement» les déclarations du chef de la diplomatie japonaise en les qualifiant de «sans fondement et complètement fausses».

Selon l'agence de presse officielle Chine Nouvelle, M. Qin a également exhorté les États-Unis à ne pas prendre parti dans cette affaire. La Chine a «protesté» auprès de l'ambassadeur américain à Pékin Gary Locke et a demandé à Washington de revenir sur ses déclarations, qu'il a qualifiées d'erronées, a-t-il indiqué.

Le porte-parole du ministère chinois a assuré que la zone de défense chinoise «a pour but la protection de la souveraineté de l'État chinois ainsi que celle de la sécurité de l'espace territorial et aérien» du pays. L'établissement de cette zone ne vise aucun pays en particulier «et n'affectera pas la liberté de survol dans l'espace aérien concerné», a-t-il ajouté.

La création de la nouvelle zone s'accompagne de règles que devront observer tous les avions qui la traversent, sous peine d'intervention des forces armées, a indiqué samedi le ministère chinois de la Défense dans un communiqué.

Les aéronefs devront notamment fournir leur plan de vol précis, afficher clairement leur nationalité, et maintenir des communications radio leur permettant de «répondre de façon rapide et appropriée aux requêtes d'identification» des autorités chinoises.

La tension est vive autour des îles Senkaku, revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu, dans les eaux desquelles les bateaux de garde-côtes chinois ont multiplié ces derniers mois les incursions.

Le ministre japonais de la Défense, Itsunori Onodera, avait estimé fin octobre que ces incursions chinoises répétées constituaient «une zone grise» entre «temps de paix et situation d'urgence».

Depuis plus d'un an, les relations sino-japonaises sont au plus bas en raison de ce différend territorial, qui s'est envenimé après la nationalisation par Tokyo en septembre 2012 de trois des cinq îles de l'archipel.

La Chine taxe le Japon d'hypocrisie

Tokyo fait preuve d'«hypocrisie et d'insolence», en protestant contre la décision de Pékin d'établir une zone d'identification de défense aérienne qui inclue des îles disputées au Japon, a estimé lundi un média d'État chinois.Un éditorial publié lundi par le Global Times, un journal officiel réputé pour son ton nationaliste, a estimé que le Japon faisait preuve d'un double discours, ayant lui-même établi sa propre zone d'identification de défense aérienne - dont les limites ne sont qu'à 50 km des côtes russes et 130 km des côtes chinoises.

«Tokyo se montre hypocrite et sans vergogne dans ses plaintes à l'encontre de Pékin», a assuré le quotidien, rappelant que dans ce contexte, «la Chine avait toutes les raisons, justes et légitimes, d'établir à son tour une zone semblable».

Par ailleurs, le Global Times a jugé dans son éditorial que «Washington avait donné une réponse plutôt vague» à la décision chinoise, et a mis en garde le Japon contre toute intervention dans la nouvelle zone.

«Ce que Tokyo va faire en ce qui concerne la partie où les zones de défense aérienne (des deux pays) se chevauchent sera décisif pour la paix et la stabilité en mer de Chine orientale», a indiqué le journal, soulignant par ailleurs qu'aucun des deux pays «ne devrait imaginer contrôler totalement la situation concernant les îles» Diaoyu.

«Si le Japon envoie des avions de guerre pour "intercepter" des chasseurs à réaction chinois (patrouillant dans la zone), les forces armées de Pékin seront en droit d'adopter des mesures défensives d'urgence», a-t-il précisé.

«La Chine n'a spécifié aucune cible spécifique en établissant cette zone de défense aérienne, mais il est certain qu'elle répondra à toutes les provocations impudentes dans la zone», a insisté l'éditorial.