Des dizaines de milliers de manifestants pour et contre le gouvernement étaient rassemblés dimanche à Bangkok dans des manifestations séparées, dans un contexte de tensions politiques aiguës dans un royaume habitué aux violences politiques.

Dimanche en fin de journée, quelque 90 000 opposants à la première ministre Yingluck Shinawatra, selon la police, étaient rassemblés sur trois sites du centre historique pour réclamer la chute de son gouvernement, selon les organisateurs.

Les organisateurs estimaient eux ce nombre plus proche du million qu'ils avaient appelé à les rejoindre.

«Comment ce gouvernement peut-il survivre ?», a lancé à la foule un de leurs leaders, Satit Wongnongtaey.

Au même moment, quelque 20 000 «chemises rouges» favorables au gouvernement et fidèles à Thaksin, en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières, convergeaient vers un stade de la capitale.

Les participants des deux côtés ont promis de rester sur place toute la nuit.

La police a indiqué se préparer à ce que les manifestants de l'opposition marchent dimanche soir ou lundi matin vers le parlement et des bâtiments gouvernementaux, malgré la mise en place d'une loi d'exception pour renforcer la sécurité dans les zones sensibles.

Depuis plusieurs semaines, les deux principales familles politiques, opposition et chemises rouges, manifestent à nouveau régulièrement dans Bangkok.

Ces manifestations sont les plus importantes depuis celles du printemps 2010, dernière flambée de violences politiques depuis le coup d'État en 2006 contre le premier ministre Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck.

Jusqu'à 100 000 «rouges» avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission du gouvernement de l'époque, avant un assaut de l'armée. La crise avait fait quelque 90 morts et 1900 blessés.

La société thaïlandaise est empêtrée depuis des années dans un clivage autour du personnage de Thaksin, qui cristallise amour et haine comme aucune autre figure politique du royaume.

Ces dernières manifestations interviennent alors que le parti au pouvoir, le Puea Thai, largement considéré comme le levier d'action via lequel Thaksin reste au centre de la vie politique malgré son exil, est en mauvaise passe.

Deux de ses importantes réformes politiques viennent d'échouer. La Cour Constitutionnelle a retoqué cette semaine un projet d'amendement qui aurait transformé le Sénat en une assemblée intégralement élue et non plus en partie nommée.

Et ce même Sénat a rejeté une loi d'amnistie largement vue comme un moyen de permettre le retour de Thaksin.

Le mécontentement de l'opposition, qui a multiplié les recours légaux, pourrait pousser la première ministre à convoquer des élections anticipées.

Yingluck a appelé dimanche les manifestants à rester pacifiques. «Le gouvernement ne veut pas voir de conflits qui mèneraient à la violence», a-t-elle indiqué sur sa page Facebook, assurant que le pays n'était pas dans une «impasse».

Les «rouges» ont eux promis de rester à ses côtés, accusant l'opposition de vouloir provoquer une intervention de l'armée dans un pays qui a connu 18 coups d'État ou tentatives depuis que la Thaïlande est devenue une monarchie constitutionnelle en 1932.

«Ce n'est pas vraiment important de savoir combien sont les manifestants antigouvernement», a noté la dirigeante des «rouges» Thida Thavornseth. «Ce qui est important c'est s'ils essaient de faire quelque chose de violent qui pourrait changer la situation».