D'un bout à l'autre des Philippines, la population attend toujours anxieusement des nouvelles de la ville ravagée de Tacloban, où les autorités estiment déjà le nombre de morts à 10 000. Sans nouvelles de leurs proches, des foules de Philippins tentent par tous les moyens de se rendre sur place pour chercher eux-mêmes dans les décombres.

Appuyée sur la barrière de la base militaire de Villamor, dans la capitale, Ritchie Larada suppliait le garde de lui trouver une place dans un des avions militaires qui ont fait l'aller-retour sans pause vers Tacloban.

«Je n'ai pas de nouvelles de ma soeur, de mon frère ni de leurs enfants. Six personnes au total... Laissez-moi seulement aller les retrouver, ils n'ont rien à manger, nulle part où s'abriter là-bas. Je veux les retrouver et les ramener ici avec moi», lance la jeune femme en essuyant du revers de la main les grosses larmes qui ne cessent de couler sur ses joues.

L'armée philippine dit comprendre la douleur des citoyens et leur désir d'aller sur place, mais elle se dit incapable d'y répondre. «La situation est encore très mauvaise sur le terrain. Je comprends la douleur de ces gens, mais notre priorité est d'emmener des vivres, du personnel médical et des forces de sécurité pour stabiliser la situation. Dans quelques jours, quand les choses iront mieux, nous pourrons nous pencher sur les problèmes humanitaires des gens ici», explique le colonel Miguel Okol, en entrevue à La Presse. «Mais si c'était ma famille qui était là, je ferais comme eux.»

Des avions militaires revenant de la zone sinistrée débarquent des survivants hagards, parfois encore trempés, qui emportent avec eux leurs maigres possessions.

«C'était si épeurant, tant de gens sont morts! ... Notre maison, il n'en reste plus rien», souffle Winnie Villamarga en serrant son bébé sur son coeur.

Catastrophe nationale

Quatre jours après avoir été frappée par Haiyan, la population découvre à peine l'ampleur de la tragédie. L'état de catastrophe nationale a été déclaré et le bilan des morts, des disparus et des dégâts matériaux ne cesse de s'alourdir.

«Nous nous attendons au pire. Au fur et à mesure que l'accès à certains endroits se débloque, nous découvrons toujours plus de morts», a déclaré John Ging, directeur des opérations du bureau de la coordination des Affaires humanitaires de l'Organisation des Nations Unies (ONU). «De nombreux endroits sont jonchés de cadavres.»

Au terme de plusieurs heures de route sur des chemins couverts d'arbres brisés et de débris, une équipe de travailleurs humanitaires d'Oxfam a réussi hier à atteindre la ville isolée de Daanbantayan, au nord de l'île de Cebu, aux Philippines. Ce qu'ils ont découvert les a laissés sans mots.

«C'est la dévastation. Il n'y a pas d'électricité et pas d'eau. Les gens ont besoin de vivres et d'eau potable», raconte Glenn Maboloc, porte-parole d'Oxfam aux Philippines, en entrevue téléphonique à La Presse.

«Nous avons besoin d'eau»

À Daanbantayan comme à Tacloban, il ne reste que désastre et dévastation du passage de Haiyan.

En arrivant sur les lieux, l'équipe a vu des enfants qui appelaient au secours en tenant à la main une pancarte de fortune: «À l'aide. Nous avons besoin d'eau, de nourriture et de médicaments.»

Les autorités de la municipalité de 75 000 habitants ont confié que 98% des maisons et des édifices ont été détruits ou endommagés.

Un centre culturel qui a d'abord servi de centre d'accueil a même été évacué d'urgence parce qu'il était en trop mauvais état. «C'est une région pauvre. La plupart des constructions sont faites de matériaux fragiles.»

Sur le terrain, l'aide internationale s'organise sur fond de tension. Affamés, privés d'eau et d'électricité, des survivants s'adonnent au pillage. À Tacloban, des magasins d'alimentation et un convoi de la Croix-Rouge ont été attaqués. Comme pour compliquer davantage la tâche, l'aéroport endommagé de Tacloban n'est actuellement accessible qu'aux vols militaires. «Il va falloir mettre en place des entrepôts mobiles. C'est une énorme tâche», dit la porte-parole du Programme alimentaire mondial, Elisabeth Byrs.

Des Canadiens disparus

Selon les plus récents chiffres, 660 000 personnes ont été déplacées à cause de la tempête et des milliers manquent à l'appel.

Plusieurs Canadiens figurent parmi les disparus. Toutefois, le ministère des Affaires étrangères du Canada refuse d'avancer un chiffre. «On ne veut pas créer de confusion, dit le porte-parole Ian Trites. On reçoit des appels de gens qui cherchent des proches ou des amis et dans plusieurs cas, il s'avère que finalement, la personne est OK.»

EN CHIFFRES

9,8 millions

Nombre de personnes touchées aux Philippines

660 000

Nombre de personnes déplacées

1316

Nombre de centres d'hébergement d'urgence, qui accueillent 390 000 évacués

10 000

Nombre de morts uniquement dans la ville de Tacloban

- Avec la collaboration de Gabrielle Duchaine