Le grand argentier du réseau Haqqani, faction talibane la plus menaçante en Afghanistan et inscrite sur la liste américaine des organisations terroristes, a été abattu par des hommes armés dans la banlieue de la capitale pakistanaise Islamabad, ont indiqué lundi des responsables.

Nasiruddin Haqqani, fils de Jalaluddin Haqqani, fondateur de cette puissante organisation qui combat les soldats de l'OTAN et les forces régulières en Afghanistan, a été tué dimanche soir devant une boulangerie de Bhara Kahu, en banlieue d'Islamabad, ont indiqué à l'AFP ces responsables.

«Sa dépouille a été transportée à Miranshah», capitale du Waziristan du Nord, zone tribale du Nord-ouest pakistanais qui sert de sanctuaire aux djihadistes de la région, a indiqué une source au sein des talibans afghans.

Que faisait dans les faubourgs d'Islamabad un homme dont le nom figure sur la liste noire américaine des personnalités terroristes?

«Il nous avait dit qu'il était vendeur de voitures», a déclaré à l'AFP Haji Naseer, un voisin. «Nous ne savions pas qu'un commandant aussi important vivait dans notre quartier avec sa famille», a-t-il ajouté, interloqué.

«J'étais assis dans ma boutique lorsque des hommes armés circulant à moto ont ouvert le feu sur un grand barbu qui achetait du pain», a confié Mohammad Faisal, un commerçant qui a assisté au meurtre d'un homme aussi nommé «Docteur Sahib» dans le bazar, expression locale témoignant une marque de respect.

Le réseau Haqqani est un groupe islamiste armé formé il y a 30 ans pour combattre l'envahisseur soviétique, aujourd'hui présent dans l'Est afghan, mais aussi de l'autre côté de la frontière pakistanaise, au Waziristan du Nord.

Les États-Unis tiennent le réseau Haqqani responsable de certaines des attaques les plus spectaculaires et meurtrières perpétrées en Afghanistan au cours de la dernière décennie, dont l'attentat contre la base militaire de Camp Chapman en 2009, au cours de laquelle sept agents de la CIA ont été tués.

Selon un rapport de l'académie militaire américaine de Westpoint, le réseau Haqqani s'apparente à une «mafia transnationale» ayant notamment investi dans le transport et la construction au Pakistan, en Afghanistan et dans le Golfe où, de surcroît, il récolte les dons pour ses opérations armées et son influent réseau d'écoles coraniques.

Or, Nasiruddin Haqqani est considéré comme le «chef des opérations financières» de cette organisation. «Il est, semble-t-il, la personne qui dirige les réseaux de trafic et qui touche les paiements en argent de grandes firmes de transport, de construction et de télécoms qui opèrent dans la zone d'influence des Haqqani», souligne le rapport de l'académie de Westpoint.

Divergences internes, complot américain?

«Il a été tué à Islamabad, près de sa maison, en raison de conflits internes», a souligné un responsable du renseignement afghan sous couvert de l'anonymat, sans préciser la nature de ces divergences présumées.

Les talibans pakistanais, frères d'armes de leurs homologues afghans, ont accusé les services de renseignements pakistanais d'avoir liquidé Nasiruddin Haqqani, en raison de sa proximité avec leur chef Hakimullah Mehsud, éliminé il y a dix jours par un drone américain.

«Il (Nasiruddin) a été tué en raison de son soutien à Hakimullah Mehsud. Il y a un accord entre les États-Unis et le Pakistan. Les États-Unis ont abattu Hakimullah et les Pakistanais Nasiruddin Haqqani», a déclaré à l'AFP Shahidullah Shahid, porte-parole des talibans pakistanais en lutte contre le pouvoir à Islamabad.

Le chef du réseau Haqqani, Jalaluddin, a passé le commandement effectif des forces de cette puissante branche des talibans à son fils, Sirajuddin, qui siège aujourd'hui à l'assemblée centrale (choura) des talibans afghans.

Ces derniers refusent l'offre de pourparlers de paix directs avec le président afghan Hamid Karzaï et s'opposent au maintien de forces étrangères en Afghanistan après le retrait des 87 000 soldats de l'OTAN prévu à la fin 2014.

Le gouvernement afghan a convoqué une Loya Jirga, grande assemblée réunissant les chefs de tribus du pays, afin de se prononcer sur un accord entre Kaboul et Washington encadrant la présence américaine dans le pays au terme de la mission de l'OTAN.

Les talibans «considéreront tous les participants (de cette assemblée) comme des traîtres et comme des cibles» si ce traité est approuvé, ont-ils menacé lundi.