Le mollah Fazlullah, un commandant hostile aux pourparlers de paix et soupçonné d'avoir commandité l'attaque contre la jeune Malala Yousafzaï, a été nommé jeudi à la tête des talibans pakistanais, a annoncé la rébellion islamiste.

Le mollah Fazlullah succède à Hakimullah Mehsud, chef du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), un regroupement de factions islamistes armées, tué vendredi dernier par un drone américain, a déclaré le chef intérimaire des insurgés Asmatullah Shaheen lors d'une conférence de presse dans un lieu tenu secret.

Le gouvernement pakistanais avait dénoncé la frappe de drone contre Hakimullah Mehsud intervenue au moment même où les autorités tentaient de convaincre les rebelles de rejoindre le processus de paix afin de mettre un terme à six ans d'une insurrection qui a fait des milliers de morts dans le pays.

«Nous considérons que le gouvernement pakistanais est aussi responsable de la mort de Hakimullah par un drone», a déclaré M. Shaheen lors de cette rencontre avec un petit groupe de journalistes, dont l'AFP.

«Tout ce théâtre au nom de pourparlers de paix a été mis en scène pour faire plaisir aux États-Unis. D'un côte, le gouvernement veut parler avec nous, de l'autre il discute avec les Américains à Washington. Comment peut-on discuter avec un gouvernement qui est l'esclave des États-Unis?», a-t-il ajouté.

Le premier ministre Nawaz Sharif avait affirmé que d'éventuels pourparlers avec les insurgés devaient se tenir dans le respect de la Constitution du Pakistan, pays musulman de 180 millions d'habitants où la charia (loi islamique) inspire certaines règles sans dicter l'ensemble des lois.

«Nous sommes prêts à discuter avec quiconque veut mettre en place la charia», a lancé le cadre taliban, rendant encore plus difficile toute réconciliation avec le pouvoir à Islamabad.

Un processus de paix mort-né?

«La nomination de Fazlullah n'est que la continuation de la campagne de terreur menée depuis la création du TTP», a dit à l'AFP Imtiaz Gul, directeur du Centre de recherche sur les questions de sécurité (CRSS) à Islamabad. «Sa nomination signifie que le TTP n'est pas sérieux à propos des pourparlers, qu'ils sont opposés aux négociations», a-t-il ajouté.

L'armée avait appuyé du bout des lèvres début septembre l'appel du premier ministre Sharif à des pourparlers avec les insurgés. Mais quelques jours plus tard, les hommes du mollah Fazlullah avaient tué le général Sanaullah, chef des opérations militaires dans la vallée de Swat (nord-ouest), ce qui avait ulcéré l'état-major de l'armée.

Malgré ce meurtre, une vague récente d'attentats, et la frappe américaine contre Hakimullah Mehsud qualifiée de «sabotage» du processus de paix par le ministre de l'Intérieur, le gouvernement d'Islamabad avait assuré ce weekend de sa détermination à aller de l'avant avec le processus de paix.

«Je pense que le gouvernement va maintenant retirer son offre», a déclaré à l'AFP Mahmood Shah, ancien chef de la sécurité dans les zones tribales du nord-ouest du pays, refuge des insurgés à la lisière de l'Afghanistan.

Dissension au sein des talibans?

Dans les environs de Miranshah, capitale du Waziristan du Nord, fief des insurgés à la lisière de l'Afghanistan, des talibans ont tiré des coups de feu dans les airs pour célébrer la nomination de leur nouveau chef après plusieurs jours de délibération.

La presse locale avait fait état de divergences profondes au sein de la rébellion, annonçant même, et à tort, l'élection de Khan Said «Sajna» à la tête des talibans. Les talibans pakistanais ont par ailleurs nommé jeudi Sheikh Khalid Haqqani, et non «Sajna», comme numéro deux de la rébellion.

«Toutes ces informations (sur des dissensions) sont fausses. Nous sommes un et unis et allons sacrifier nos vies pour l'imposition de la charia», a affirmé Asmatullah Shaheen, lors de cette rencontre avec quelques journalistes au cours de laquelle le nouveau chef du TTP brillait par son absence.

Le mollah Fazlullah, aussi appelé Mollah Radio en raison de ses prêches pro-charia sur des antennes locales, s'est aujourd'hui replié dans l'est de l'Afghanistan après avoir imposé son régime de terreur dans la vallée de Swat de 2007 à 2009.

Une jeune étudiante, Malala Yousafzaï, avait alors dénoncé les exactions des talibans dans cette région, ce qui lui a valu l'an dernier d'être la cible d'une attaque des talibans dont le commanditaire, selon les autorités pakistanaises, est le nouveau chef des insurgés.