Le procureur général de Thaïlande a décidé de poursuivre l'ancien premier ministre Abhisit Vejjajiva pour meurtre en liaison avec son rôle dans la répression des manifestations de 2010, dossier symbole de la fracture du pays, ont annoncé lundi des responsables.

Jusqu'à 100 000 «chemises rouges», fidèles à l'ancien chef du gouvernement en exil Thaksin Shinawatra, avaient occupé le centre de Bangkok pendant deux mois au printemps 2010 pour réclamer la démission d'Abhisit, avant l'intervention de l'armée.

La crise, la plus grave qu'ait connue la Thaïlande moderne, avait fait quelque 90 morts et 1900 blessés.

Abhisit, désormais chef de l'opposition, et son ancien vice-premier ministre Suthep Thaugsuban avaient autorisé les forces de sécurité à utiliser des armes pour déloger les manifestants, a précisé Nanthasak Poonsuk, porte-parole du bureau du procureur général.

«Les preuves montrent que leurs ordres ont poussé d'autres personnes à commettre des meurtres et des tentatives de meurtre», a-t-il ajouté devant la presse.

Le dossier, qui avait commencé par l'inculpation des deux hommes en décembre dernier, va désormais être transmis à la cour criminelle, qui décidera ou non de la tenue d'un procès.

Alors que le gouvernement est dirigé depuis 2011 par la soeur de Thaksin, Yingluck Shinawatra, le Parti démocrate d'Abhisit a dénoncé cette décision comme un moyen de pression sur l'opposition pour qu'elle soutienne une loi d'amnistie controversée pour tous les crimes liés aux violences politiques des dernières années.

Le gouvernement ne devrait pas «utiliser cette affaire pour faire pression sur le Parti démocrate parce que nous n'accepterons pas cette loi et nous la combattrons à l'intérieur et à l'extérieur du Parlement», a souligné Chavanond Intarakomalyasut, porte-parole du parti qui craint que le texte ne permette le retour d'exil de Thaksin. «Abhisit et Suthep se battront dans cette affaire dans le cadre judiciaire et ils sont prêts à prouver leur innocence».

Le bureau du procureur général a de son côté nié toute «ingérence politique», a insisté un autre porte-parole, Watcharin Panurat.

Le royaume reste profondément divisé entre les partisans de Thaksin, renversé par un coup d'État militaire en 2006, et ceux qui le voient comme un danger pour la monarchie.

Une fracture à l'origine des manifestations de masse qui ont fait et défait plusieurs gouvernements ces dernières années, et derrière lesquelles s'affrontent les masses rurales et populaires du nord et du nord-ouest du pays, pro-Thaksin, et les élites de la capitale, qui le haïssent.

Le procès pour «terrorisme» de 24 dirigeants des «chemises rouges» impliqués dans les manifestations de 2010, dont plusieurs députés du parti pro-Thaksin au pouvoir, s'était ouvert en décembre dernier. La procédure pourrait durer des années.