Des responsables pakistanais ont nié jeudi avoir approuvé secrètement des tirs de drones américains au cours des cinq dernières années dans les refuges islamistes du nord-ouest du Pakistan, comme le soutient le Washington Post.

Ce grand quotidien américain a jeté un pavé dans la mare mercredi en révélant des documents secrets selon lesquels au moins 65 attaques de drones ont fait l'objet de discussions entre les États-Unis et le Pakistan, voire qu'en 2010 une attaque avait eu lieu dans les zones tribales du nord-ouest «à la demande» du gouvernement d'Islamabad.

La parution de cet article, coécrit par Bob Woodward, un des journalistes à l'origine de l'éclatement au grand jour du scandale du Watergate au début des années 70, est intervenue le jour même de la rencontre à Washington entre le président américain Barack Obama et le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

Ce dernier a d'ailleurs demandé l'arrêt des tirs de drones, qui ont fait plus de 2000 morts, dont quelques centaines de civils, dans les refuges talibans et d'Al-Qaïda au cours de la dernière décennie.

Officiellement, le pouvoir à Islamabad nie toute collaboration avec les États-Unis pour ces tirs, considérés comme une «violation de la souveraineté» pakistanaise, mais est régulièrement soupçonné de les soutenir en sous-main.

Les attaques mentionnées par le Washington Post s'échelonnent de la fin 2007 à 2011, période au cours de laquelle le Pakistan a été dirigé successivement par le général Pervez Musharraf et le gouvernement civil du Parti du Peuple pakistanais (PPP).

Contactée par l'AFP, l'équipe de M. Musharraf, actuellement assigné à résidence dans sa villa d'Islamabad, a rappelé que l'ancien chef de l'État avait déjà reconnu avoir approuvé «moins de dix attaques» de drones contre des insurgés islamistes lorsqu'il était au pouvoir et que certaines d'entre elles avaient été des «opérations communes» du Pakistan et des États-Unis.

L'ancien premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani, chef du gouvernement formé par le PPP en place de mi-2008 à juin 2012, a quant à lui nié toute implication du Pakistan dans des tirs de drones américains, malgré des télégrammes diplomatiques publiés par WikiLeaks suggérant le contraire.

«Nous n'avons jamais autorisé les États-Unis à perpétrer des attaques de drones dans les zones tribales», a déclaré à l'AFP M. Gilani. «Depuis le tout début, nous sommes opposés aux tirs de drones», a-t-il ajouté.

Le gouvernement du PPP a été remplacé en juin dernier par celui de la Ligue musulmane de Nawaz Sharif (PML-N) qui a proposé des pourparlers de paix aux talibans pakistanais et nié aussi toute collaboration avec le programme américain de drones.

Refusant de commenter les informations précises du Post, le porte-parole de la diplomatie pakistanaise, Aizaz Ahmad Chaudhry, affirme que «peu importe les arrangements réels ou non par le passé, le gouvernement actuel a été très clair dans sa politique... les tirs de drones doivent cesser».

Les révélations du Washington Post interviennent aussi après la publication d'un rapport très critique d'Amnistie Internationale sur les drones selon lequel les États-Unis s'arrogent ainsi un «droit de tuer supérieur aux tribunaux et aux normes fondamentales du droit international».

Les fuites à l'origine de l'article du Washington Post sont une manière pour les États-Unis de «sauver la face» et de décrédibiliser l'appel du premier ministre Sharif à mettre fin à ces tirs, a quant à lui jugé un haut responsable du renseignement pakistanais sous le couvert de l'anonymat.