La justice pakistanaise a accordé mercredi la liberté sous caution à Pervez Musharraf, une décision qui pourrait permettre à l'ancien président, assigné à résidence depuis près de six mois, de quitter le Pakistan où il est accusé de meurtres.

L'ex-chef de l'État pakistanais, au pouvoir de 1999 à 2008, avait été rattrapé par la justice peu après son retour dans son pays à la fin mars dans l'espoir alors de participer aux élections législatives et de, disait-il, «sauver» le Pakistan de la crise économique et de la montée en puissance des rebelles talibans.

Mi-avril, M. Musharraf avait été placé en résidence surveillée dans sa villa cossue à l'architecture inspirée d'un riad marocain de Chak Shahzad, en banlieue de la capitale Islamabad, protégée par environ 300 policiers, militaires, membres des forces spéciales en raison des menaces qui pèsent sur lui.

«La Cour suprême a accordé la liberté sous caution à l'ancien président Musharraf dans l'affaire de l'ancien chef rebelle Akbar Bugti», tué dans une opération militaire en 2006, quand M. Musharraf était au pouvoir, ont annoncé mercredi ses avocats. Il s'agissait de la seule affaire pour laquelle M. Musharraf était encore assigné à résidence.

Le «Général Musharraf» est dans le collimateur de la justice dans plusieurs affaires : le meurtre, en décembre 2007, de sa rivale d'antan Benazir Bhutto, le renvoi unilatéral de juges la même année et la mort, un an plus tôt, d'Akbar Bugti, un chef rebelle de la province du Baloutchistan (sud-ouest).

M. Musharraf avait déjà obtenu la liberté sous caution dans ces deux premières affaires. Mais il lui restait à l'obtenir dans celle concernant Akbar Bugti, ce qui a été fait mercredi par l'intermédiaire de la Cour suprême en échange du versement d'une caution de deux millions de roupies (20 000 $), selon son avocat Ibrahim Satti.

M. Musharraf était jusqu'ici assigné à résidence dans une partie seulement de sa vaste villa aux murs décorés d'épées, de sabres et de photos de personnalités politiques, et n'avait donc accès, en théorie, à l'ensemble des lieux.

Une fois la caution payée, il aura accès à toute sa villa, mais pourrait aussi être en mesure de quitter le Pakistan.

Un passeport pour l'exil?

«Je viens de lui parler, il est satisfait de la décision», a déclaré à l'AFP le porte-parole officiel de M. Musharraf, Raza Bokhari. «Lorsque toutes les formalités seront finalisées, il sera libre de voyager à l'intérieur et à l'extérieur du Pakistan», a-t-il souligné.

À moins que le gouvernement ne lui interdise de sortir du territoire, «cela veut dire qu'il pourra quitter le pays. Et s'il quitte le pays, il pourrait ne plus jamais y revenir», estime l'analyste politique pakistanais Hasan Askari.

De la fin de 2008 à son retour au Pakistan au printemps dernier, Pervez Musharraf, aujourd'hui âgé de 70 ans, vivait entre Londres et Dubaï, et donnait des conférences dans le monde entier.

Même s'il voyage, «il continuera à se défendre jusqu'à ce que son nom soit lavé» de tout soupçon par la justice dans ces procès, a insisté le porte-parole de l'ancien président dont les procédures devant les tribunaux pourraient s'étirer sur des mois, voire des années, à moins qu'un arrangement en coulisses ne permette l'abandon de toutes les charges.

Aux trois procédures déjà en cours contre M. Musharraf, s'ajoutent de nouvelles accusations, déposées cet été par la police pakistanaise, pour l'opération sanglante déclenchée par l'armée en 2007 contre la Mosquée rouge d'Islamabad, alors occupée par des islamistes qui exigeaient l'instauration de la charia (loi islamique) et la chute de son gouvernement militaire.

Dans sa «prison dorée» de la banlieue d'Islamabad, Pervez Musharraf suit de près les procédures dont il fait l'objet et rédige, selon son entourage, le deuxième tome de ses mémoires qui portent sur sa chute, son exil, son retour et peut-être aussi son nouveau départ du Pakistan.