Le premier ministre cambodgien Hun Sen, au pouvoir depuis 28 ans, a été reconduit mardi par le parlement pour un nouveau mandat de cinq ans, alors que l'opposition qui conteste sa victoire aux élections a menacé de nouvelles manifestations.

Les 68 députés de son Parti du peuple cambodgien (CPP) ont voté à main levée, en l'absence de l'opposition qui refuse de siéger tant qu'une enquête indépendante sur des fraudes électorales qu'elle juge massives n'est pas lancée.

Selon les résultats officiels des législatives de juillet, le CPP, malgré son plus mauvais score depuis 1998, a remporté 68 sièges sur 123, contre 55 au Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP).

Mais le parti du chef de l'opposition Sam Rainsy - rentré d'exil juste avant le scrutin, mais qui n'avait pas été autorisé à se présenter - a rejeté ces résultats, revendiquant la victoire et dénonçant des fraudes à grande échelle.

Après plusieurs rencontres la semaine dernière, Hun Sen et Rainsy se sont mis d'accord sur certains points : respecter l'appel à la non-violence du roi, poursuivre les négociations pour résoudre la crise et procéder, dans un avenir plus lointain, à une réforme électorale.

Mais une enquête indépendante sur le scrutin demeure un point d'achoppement.

Pour cette raison, le CNRP a boycotté la première session du parlement lundi et continué sur sa lancée mardi.

«Le CNRP va continuer à rechercher la vérité et la justice pour les électeurs», a répété mardi à l'AFP son porte-parole Yim Sovann.

«Il y aura des manifestations de masse à Phnom Penh et dans tout le pays», a-t-il promis, alors que son parti a également dénoncé un parlement «à parti unique» et un nouveau glissement vers la «dictature».

Des accusations rejetées par Hun Sen, qui a reporté la faute sur l'opposition, notant qu'il n'avait pas «fermé la porte» et qu'elle avait fait le choix de ne pas siéger.

«Nous ne pouvons pas être les otages d'un groupe», a-t-il déclaré après sa reconduction, notant qu'il avait offert à l'opposition une vice-présidence de l'Assemblée et des présidences de commissions parlementaires. «S'ils veulent négocier plus, d'abord (les députés) doivent être intronisés».

Le Cambodge «n'est pas une république bananière», a insisté de son côté le ministère des Affaires étrangères, appelant les diplomates étrangers à ne «pas interférer» dans les affaires du pays.

Lundi, l'ambassadeur américain notamment avait mis en avant les «erreurs et irrégularités» du scrutin, soulignant que sa présence à l'ouverture du parlement n'était pas une «approbation» des résultats.

Alors qu'une personne avait été tuée en marge d'une des manifestations de l'opposition qui avaient rassemblé des dizaines de milliers de personnes à Phnom Penh à la mi-septembre, la situation fait craindre de nouveaux incidents.

«Hun Sen devra se méfier des violences potentielles, alors que de nombreux Cambodgiens considèrent que le CPP, et Hun Sen lui-même, dirigent sans légitimité», a commenté Ou Virak, président du Centre cambodgien pour les droits de l'Homme.

«Pendant ces élections, nous avons vu le peuple cambodgien faire entendre sa voix et demander un véritable changement», a-t-il ajouté.

Hun Sen, qui a récemment promis de rester au pouvoir encore au moins 10 ans, avait été installé au poste de premier ministre en 1985 par les forces vietnamiennes qui avaient chassé les Khmers rouges responsables de quelque deux millions de morts entre 1975 et 1979.

Avec son parti, il a présidé à la transformation d'un pays émergeant de décennies de guerre civile, devenu l'une des économies les plus dynamiques d'Asie du sud-est, avec notamment un secteur textile tourné vers l'export.

Mais la croissance rapide s'est accompagnée d'un mécontentement lui aussi croissant, en particulier chez les jeunes, sur les salaires et les conditions de travail dans les usines, ainsi que sur la confiscation de terres au profit d'entreprises étrangères et de l'élite.