Des centaines de chrétiens manifestaient lundi au Pakistan au lendemain d'un double attentat-suicide commis devant une église qui a fait au moins 81 morts, l'attaque la plus sanglante jamais menée contre la minorité chrétienne dans ce pays.

Perpétrées par deux kamikazes à la sortie de la messe, ces attaques ont visé l'église de tous les Saints de Peshawar, la principale ville de la province de Khyber Pakhtunkhwa, dans le nord-ouest.

Elles ont été revendiquées par une faction du Mouvement des talibans pakistanais (TTP).

Le bilan s'est alourdi dans la nuit de dimanche à lundi à 81 morts, dont 37 femmes, et 131 blessés, a indiqué à l'AFP le docteur Arshad Javed du principal hôpital de la ville, le Lady Reading. Un précédent bilan faisait état de 78 morts.

Des centaines de chrétiens manifestaient lundi à Karachi, Faisalabad, Lahore et Peshawar pour demander des mesures de protection.

Dans la capitale Islamabad, plus de 600 manifestants ont bloqué une grande artère pendant plusieurs heures à l'heure de pointe, provoquant d'importants embouteillages, a constaté un journaliste de l'AFP.

Selon un ancien ministre pakistanais chargé des questions oecuméniques, Paul Bhatti, il s'agit de l'attaque la plus meurtrière visant la minorité chrétienne du pays.

«Les chrétiens ne sont pas les seuls visés par l'attaque, tout le Pakistan est victime du terrorisme», a déclaré à l'AFP M. Bhatti, aujourd'hui président de l'Alliance de toutes les minorités du Pakistan (APMA).

Les écoles chrétiennes resteront fermées pendant trois jours, a-t-il précisé.

Le Junood ul-Hifsa, une faction du Mouvement des talibans pakistanais, a dit au téléphone à l'AFP être l'auteur du double attentat.

«Nous avons mené les attaques-suicides à la bombe à l'église de Peshawar et nous continuerons à frapper des étrangers et des non-musulmans jusqu'à ce que les attaques de drones s'arrêtent», a déclaré Ahmad Marwat, un porte-parole de ce groupe.

«Un attentat contraire aux préceptes de l'islam»

Le Junood ul-Hifsa avait revendiqué en juin la mort de 10 alpinistes étrangers sur le Nanga Parbat, le deuxième plus haut sommet du Pakistan après le K-2.

Un haut responsable de la police de Peshawar, Najeeb-ur-Rehman, a assuré que la sécurité autour des églises de la ville serait renforcée. Mais les rescapés du double attentat redoutaient de nouvelles violences.

«Nous avions de très bonnes relations avec les musulmans, il n'y avait pas de tensions avant les explosions, mais nous craignons maintenant que ce soit le début d'une vague de violences contre les chrétiens», a témoigné Danish Yunas, un chauffeur chrétien blessé dans les explosions.

Le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, dont le gouvernement a récemment proposé des négociations de paix au TTP, a condamné un attentat «contraire aux préceptes de l'islam».

À la fin d'une visite pastorale en Sardaigne (Italie), le pape François a de son côté dénoncé «le mauvais choix, un choix de haine et de guerre», tandis qu'au Pakistan, le Conseil des oulémas a fustigé cet acte «honteux».

Les deux kamikazes ont activé les explosifs qu'ils portaient sur eux à la sortie de la messe dominicale au moment où plus de 400 chrétiens sortaient de l'église, ont raconté des témoins.

«Une énorme explosion m'a projeté au sol, et dès que je suis revenu à moi, une seconde a eu lieu et j'ai vu des blessés partout autour», a dit à l'AFP l'un d'eux, Nazir Khan, un maître d'école âgé de 50 ans.

Le nord-ouest du Pakistan est un bastion de nombreux groupes rebelles islamistes, dont le TTP, alliés à Al-Qaïda et responsables d'innombrables attentats-suicides qui ont fait plus de 6000 morts depuis 2007 et ont régulièrement ensanglanté Peshawar.

Les chrétiens, qui représentant 2 % de la population du Pakistan, pays de 180 millions d'habitants à plus de 95 % musulmans, sont parfois victimes de violences, mais très rarement du fait des attentats qui visent habituellement les forces de sécurité ou les minorités musulmanes (chiites, ahmadis) jugées infidèles par des extrémistes sunnites talibans.

Les violences anti-chrétiennes au Pakistan avaient jusqu'à présent été limitées à des heurts entre communautés locales, souvent après que des chrétiens avaient été accusés de blasphème par des musulmans.

En 2009 à Gojra, dans la province du Pendjab (est), une foule de musulmans en colère avait ainsi incendié 77 maisons de chrétiens et tué sept d'entre eux après des rumeurs de profanation du Coran.

PHOTO MOHAMMAD SAJJAD, AP

Le bilan s'est alourdi dans la nuit de dimanche à lundi à 81 morts, dont 37 femmes, et 131 blessés, a indiqué à l'AFP le docteur Arshad Javed du principal hôpital de la ville, le Lady Reading. Un précédent bilan faisait état de 78 morts