L'opposition conservatrice en Australie a remporté haut la main samedi les élections, un scrutin auquel le premier ministre sortant Kevin Rudd a reconnu sa défaite face à Tony Abbott et qui met un terme à six ans de pouvoir travailliste marqués par des luttes fratricides.

M. Abbott, dirigeant du parti libéral, 55 ans, va donc succéder au poste de premier ministre au travailliste Kevin Rudd, qui lui a souhaité «bonne chance» et a annoncé dans la foulée qu'il quittait la direction de son parti.

Prenant la parole devant des partisans en liesse dans un grand hôtel de Sydney, M. Abbott a déclaré que l'Australie était «sous une nouvelle direction» et a promis de mettre en place «un gouvernement digne de confiance et compétent» qui tiendrait les engagements pris par l'opposition pendant la campagne.

«Je déclare que l'Australie est passée sous une nouvelle direction et est de nouveau prête à se mettre en marche», a lancé M. Abbott, qui devrait être intronisé la semaine prochaine.

Il s'est dit «à la fois fier et plein d'humilité (à l'idée) de prendre la responsabilité du gouvernement».

Avec 88 % des voix comptabilisées dans la nuit de samedi à dimanche, la coalition conservatrice menait très largement avec 89 sièges à la Chambre des représentants contre 56 aux travaillistes, selon la Commission électorale australienne. La chambre basse du Parlement compte 150 sièges.

«Je viens de téléphoner à Tony Abbott pour concéder la défaite aux élections générales», a déclaré dans la soirée le premier ministre sortant Kevin Rudd à un rassemblement de son parti à Brisbane (est). «Je lui souhaite bonne chance à la charge élevée de premier ministre de ce pays».

En dépit de sa lourde défaite, M. Rudd a estimé que son parti «s'était bien battu». «Le moment est venu ce soir de s'unir en tant que grande Nation australienne», a-t-il ajouté dans la soirée.

«Je ne me représenterai pas à la tête du parti» travailliste, a-t-il poursuivi, «je crois que le peuple australien mérite un nouveau départ» à la direction du parti.

La télévision ABC, s'appuyant sur des sondages effectués à la sortie des bureaux de vote, a estimé que la coalition dominée par le parti libéral remporterait 90 sièges, contre 58 pour les travaillistes. Les deux sièges restants iraient aux formations indépendantes.

Les deux mandats du Labour (de trois ans) ont été marqués par des luttes intestines, qui ont lassé les Australiens. Kevin Rudd a été premier ministre de 2007 à 2010 avant d'être poussé dehors sans ménagement par sa propre formation, fatiguée de son caractère difficile, et remplacé aussitôt par Julia Gillard.

Celle-ci, première femme à devenir chef de gouvernement en Australie, a été à son tour renversée par ses alliés en juin dernier, en raison de sondages catastrophiques, et remplacée par... Kevin Rudd.

Mme Gillard, qui ne se représentait pas à la députation et a conservé un profil bas depuis sa brutale éviction, a quitté la scène politique sans vagues samedi, félicitant la nouvelle élue travailliste de sa circonscription de Melbourne via son compte Twitter, de même que le futur premier ministre Abbott.

«Je suis persuadé que cette élection a été perdue par le gouvernement plutôt que gagnée par l'opposition», a asséné l'ancien Premier ministre travailliste Bob Hawke, qui a accompli quatre mandats dans les années 1980 et 90. «Les intrigues et la poursuite d'intérêts particuliers ont dominé plus qu'ils n'auraient dû le faire, et dans ce processus, les valeurs n'étaient plus au centre» des débats, a-t-il ajouté.

Quant à Tony Abbott, réputé pour ses gaffes, il a su polir son image et tenir sa langue, à quelques exceptions près. Il a en outre bénéficié du soutien du groupe de presse de Rupert Murdoch, largement dominant en Australie.

Il a promis d'abolir la taxe carbone que doivent payer les plus gros pollueurs du pays, instaurée par les travaillistes, de payer six mois de congés maternité aux futures mères, tout en réalisant des milliards de dollars australiens d'économie.

Le principal argument de campagne de Kevin Rudd était l'économie. L'Australie est le seul grand pays occidental à avoir échappé à la récession en 2008, grâce aux matières premières dont ses sous-sols regorgent et à la demande des puissances émergentes, dont l'Inde et la Chine.

Kevin Rudd crédite son parti d'une «bonne gestion» de cette manne.

Mais le ralentissement de l'activité en Chine, principal partenaire commercial du pays, et la baisse des cours des matières premières freinent la croissance australienne depuis plusieurs mois.

Elle n'était plus que de 2,6 % au deuxième trimestre 2013 sur un an, un taux toujours honorable mais inférieur aux plus de 3 % de ces dernières années. Le chômage, qui oscille actuellement autour des 5,5 %, est attendu à la hausse. La fin du boom minier présente le principal défi du pays pour les années à venir.